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Photo du rédacteurGautier Florian

Nouvelle : Un pari de trop


Bonsoir à tous ! Plus d'un mois dites-moi ! Et pas un seul commentaire larmoyant quémandant mon retour, je vais finir par mal le prendre !

Bon, je vous annonce tout net : Non, je ne suis pas mort. (sinon, ce message serait pour le moins inquiétant...) et oui, je vais bien (même si ça vous est parfaitement égal, n'est-ce pas ?!) Je suis désormais le papa d'une petite fille adorable (Enfin, quand elle veut bien :p).

Cet article est une nouvelle fois une lecture que je vous offre, un récit de bout en bout ! Je l'avais à la base écrit pour le Magazine des Indépanda, mais je n'ai hélas pas été retenu. C'est ainsi, il faut bien qu'il y ait des gens laissés de côté. <Essuie ses larmes> Mais du coup, je ne vais pas vous priver également de ce récit qui, j'en suis sûr, saura vous ravir ! Non ? Mais si, même juste un petit peu... de quoi cela parle-t-il ? ahah ! D'un jeu mortel...

Cette nouvelle est disponible entièrement gratuitement, que ça soit ici, sur le blog ou sur Scribay.

Il ne me reste plus qu'à vous laisser la découvrir. J'espère qu'elle vous plaira. Bientôt, je ferais un billet pour faire le point sur mon travail actuel. Restez connecté.

N'oubliez pas que vous pouvez laisser un commentaire et partager pour m'aider, ça n'a l'air de rien, mais c'est très important.

Bonne lecture !

 

Présentation : Nibbana est la ville de tous les vices. Si de jour, la cité peut sembler tranquille, c'est la nuit qu'elle s'anime, offrant de quoi sustenter tous les désirs ou peu s'en faut. Parmi cette jungle de plaisirs à découvrir, Allan, adepte des jeux d'argent, va y croiser la route de Mirana, jeune femme secrète au charme certain. Avec elle, il osera prendre un risque. Avec elle, il fera un pari. Le pari de trop.


Un pari de trop.

Les ténèbres étendaient leurs serres sur le monde, le plongeant dans une nuit sans lune. La forêt qui bordait les alentours de Nibbana était aussi noire que le cœur du plus infâme des démons et les rumeurs la disaient hantée. Que l'on prête foi ou non à ces histoires ne changeait en rien le fait que traverser la forêt de nuit était au mieux pure folie. Aucun de ceux qui l'avaient fait n'en était jamais revenu. Était-ce la faute aux prédateurs qui régnaient en maîtres dans l'obscurité ? Ou bien celle des nymphes qui disait-on enlevaient les hommes féconds et tuaient les autres tout comme les femmes ? Ou bien peut-être aux sombres histoires de massacres qui avaient eu lieu deux siècles auparavant ? La légende voulait que le sol, s'étant tellement imprégné de sang, était devenu une porte ouverte pour les créatures les plus sombres de toute la création. Ou bien encore pouvait-on évoquer les rites démoniaques pratiqués par un ancien ordre secret de sorciers aujourd'hui éteint. À moins qu'ils ne soient simplement retournés à la clandestinité ? De nombreuses légendes couraient sur la forêt de Nibbana. Et tous ceux qui avaient voulu vérifier n'en étaient jamais revenus, ce qui alimentait plus encore les mythes et les sombres histoires. Mirana ne croyait à aucune d'entre elles, toutes plus farfelues les unes que les autres, bien qu'elle partageât la crainte des ténèbres qui régnaient dans ces bois obscurs et maudits. Mais les humains n'avaient-ils pas toujours eu peur du noir et de ce qui s'y cache ? Et quand la peur s'avérait fondée... Elle se retrouvait donc bloquée à Nibbana, la ville de tous les vices, pour une nuit supplémentaire. Peut-être s'amuserait-elle un peu cette fois-ci, pour changer.

Nibbana était animée, quelle que soit l'heure, mais c'était bel et bien à la tombée de la nuit que les choses sérieuses commençaient, alors que les lumières s'allumaient dans de nombreuses teintes différentes, comme pour marquer la folie qui s'emparait de la cité. Mirana glissa ses mains dans les poches de sa tunique tout en traversant la rue marchande principale. Des enseignes plus extravagantes les unes que les autres attiraient son regard. Nombreuses étaient les boutiques à parier sur le sexe; simple, presque cliché, mais toujours vendeur. On y trouvait de tout pour pimenter sa vie sexuelle, des combinaisons aux jouets en passant par les livres et même les leçons. Mais certains magasins se montraient plus subtils et proposaient, entre autres choses, des jeux de mots à même de faire sourire, pour peu qu'on les comprenne : "Fil harmonique" pour une boutique d'instruments musicaux à cordes, "Arc-en-ciel" et "Treize or" pour des joailleries, "Art abesque" pour un vendeur d'arts... Un nombre important d'échoppes étaient concentrées dans la rue, plus que dans n'importe quelle autre ville, et proposaient des marchandises du monde entier. On pouvait résumer la chose de la façon suivante : tout ce qui pouvait se vendre à travers le monde se trouvait à Nibbana. Surtout si cela pouvait exciter les sens. Ainsi, nombreux étaient les magasins à proposer des plantes de toutes sortes, notamment aux effets hallucinogènes ou pour booster l'endurance... et d'autres choses. Mirana flâna un moment dans cette rue principale, s'amusant à détailler le nombre de produits tournés vers les plaisirs de la chair, à relever ceux qu'elle avait déjà eu l'occasion de tester, qu'elle avait appréciés, avant de rejoindre le centre-ville.

Une fontaine se dressait au milieu de la place, surplombée d'une statue d'un sorcier les mains levées vers le ciel , dont le visage affichait un air de béatitude. Elle était taillée avec un soin extrême, chacun des traits de l'homme s'avérant particulièrement soigné. Il ne portait pas de pantalon, et si le sculpteur n'avait pas décidé de représenter son appendice, on comprenait aisément qu'il était en pleine fornication au vu de la masse informe posée devant son bassin. Les rumeurs allaient bon train sur le véritable sens de ce morceau peu détaillé de la sculpture. Tête, fesses, hanches... autre chose ? Toujours était-il que cela donnait le ton : Nibbana, ville de tous les vices et plaisirs. Sur la place centrale, on pouvait trouver toutes sortes d'affiches vantant les effets de certains produits, annonçant les activités de la soirée, de la semaine, ou du mois. Et bien entendu, un extrait choisi des règles de la ville. Tout ou presque était autorisé à Nibbana, tant que l'on pouvait y mettre le prix et que cela ne lésait personne, ou du moins, pas trop gravement. Un désir de s'enivrer ? Des bars étaient ouverts dans toutes les rues, proposant toutes les boissons qui existaient ou peu s'en faut. Une envie de drogue ? Elles étaient toutes disponibles chez des revendeurs certifiés. Une besoin de se battre ? Des combats de toutes sortes avaient lieu chaque jour et comblaient de très nombreux désirs : humains ou animaux, mortels ou non, à main nues ou armés. Et bien d'autres choses encore qui ne pouvaient être listées, tant cela prendrait de temps. Et sans oublier la règle d'or de la cité : MEURTRE INTERDIT. Cette règle, qui pouvait sembler banale à première vue tant elle était commune à travers le monde, s'avérait en réalité être la plus importante. On racontait des choses horribles sur ce qu'il advenait des personnes ayant osé franchir la ligne. Nibbana disposait d'une prison souterraine et il était dit que l'on y pratiquait diverses formes de torture. Mais pas physique. Mentale. Le but était de briser l'esprit du prisonnier, de l'enfermer à jamais à l'intérieur d'un cerveau détruit, incapable de se remettre, incapable de vivre ou de mourir. Le moins que l'on pouvait dire, c'était que la sécurité, financée par les gains journaliers de la ville en or, ne manquait pas de moyens. Les gardes étaient partout ou presque, pour qui savait les voir, à l'affût.

Mirana choisit de se diriger vers les arènes de combat, histoire de passer le temps. La nuit venait juste de tomber, il était trop tôt pour se mettre en quête d'autres plaisirs. Et elle savait que de nombreuses personnes passaient des nuits blanches là-bas, à parier, boire, hurler. Si quelque chose d'intéressant se passait à Nibbana, vous aviez neuf chance sur dix pour que cela se passe aux arènes. Et cette soirée n'y faisait bien évidemment pas exception. Elle passa devant les combats et courses d'animaux sans leur accorder un regard. Ces évènements étaient sans intérêt selon elle. Les combats entre humains et non humains s'avéraient bien plus intéressants. Des créatures provenant des endroits les plus sauvages et reculés du monde attendaient dans le ring un combattant assez fort pour les affronter. Elle s'arrêta devant le panneau d'affichage. Déjà trois morts. La cote était de dix contre un. Elle esquissa un sourire et rejoignit le bureau des paris avant de prendre place dans les gradins. La foule hurlait, déjà totalement enivrée voire droguée, scandant le nom du combattant couvert de poussière qui se tenait au centre de l'arène, aux prises avec une harpie. Heureusement, l'amphithéâtre disposait d'une grille pour empêcher la créature de s'envoler. L'humain n'avait pour lui qu'un bouclier et une masse, mais il les maîtrisait convenablement. Après quelques esquives, il parvint à asséner un puissant coup sur l'aile droite de la créature, brisant l'os. La harpie poussa un hurlement en tombant au sol. Le guerrier s'approcha alors, posa son bouclier sur le ventre de son ennemie pour la maintenir à terre avant de l'achever en abattant d'un coup ferme sa masse sur son crâne qui explosa en une gerbe de sang avec un bruit répugnant. La foule se mit à brailler de plus belle, hurlant le nom de l'humain, saisie d'un frisson de folie. Les brocs étaient cognés en cadence dans les gradins et l'alcool giclait, recouvrait le sol. Des pièces d'or volaient pour se perdre dans les graviers et le guerrier s'inclinait bien bas avant de lever les bras, réclamant plus de considération de la part des spectateurs qui lui répondaient avec des sifflements enjoués. Mirana croisa les bras et resta silencieuse, attendant la suite avec grande impatience. L'adversaire suivant fit son entrée. Il s'agissait d'un gobelin des marais. Des créatures sournoises, plus grande que les nains et bien plus puissantes. Celui-ci était particulièrement musclé et un éclat d'intelligence brillait dans ses yeux. La foule tapa du pied en rythme quand les combattants se tournèrent autour, avides de sang. Le gobelin, après une esquive particulièrement impressionnante, se laissa glisser au sol avant de se ramasser sur lui-même pour se relever. Il tenait dans la main une dague, récupérée sur le cadavre d'une créature tuée durant un round précédent, et semblait savoir la manier. La foule hurlait, laissant exploser sa joie. Le guerrier fonça sur son ennemi, bouclier en avant pour le déstabiliser, mais son challenger fit un pas de côté, puis se fendit, passant sous la garde de l'humain pour le poignarder en plein torse. Ce fut alors un carnage. Le gobelin entailla le bras de l'homme pour lui faire lâcher son pavois puis lui martela le torse de sa lame jusqu'à le réduire en charpie. Des exclamations de fureur accompagnèrent chacun de ses coups et la foule se scinda alors, entre ceux qui soutenaient la créature et avaient misé contre l'humain, et les autres, qui regardaient horrifiés leur argent s'envoler en même temps que la vie du guerrier. Quand le gobelin se redressa finalement, les perdants le dévisageaient avec rage et dégoût. Mirana considéra son ticket avec ennui avant de le déchirer et de soupirer.

— Raté... (souffla-t-elle.)

— On ne peut pas gagner à tous les coups. (lança un homme derrière elle sur sa droite, un cigare à la main.)

La jeune femme lança un regard par dessus son épaule, le front plissé, étudiant l'homme.

— Oui... C'est vrai.

Il lui sourit et tendit la main.

— Allan Karin. (dit-il.)

Mirana considéra la main tendue quelques secondes avant de la serrer.

— Mirana Marlok. Enchantée.

— Enchanté. (fit l'homme, crachant la fumée de son cigare. Il montra son ticket, qui annonçait une mise sur la victoire de l'humain.) Vous n'êtes pas la seule.

Elle opina.

— Hélas, je ne me referai pas ce soir. C'est bien dommage.

— Nous sommes deux dans ce cas.

— Vous m'en voyez navrée. (Elle se leva avant de s'incliner.) Heureuse de vous avoir rencontré.

— Moi de même. (fit-il en se levant avant de s'incliner.)

Mirana se retira d'un pas lent et ensorceleur alors qu'un autre combattant entrait dans la lice, s'attirant immédiatement huées et encouragements de la foule, toujours scindée. Allan n'avait pas quitté la jeune femme des yeux. Il hasarda finalement un coup d’œil vers l'arène, puis sur son ticket et grimaça avant de quitter les gradins. Il rattrapa la jeune femme quelques mètres plus loin.

— Mademoiselle Marlok. Puis-je vous offrir un verre ?

— Je croyais que vous n'aviez plus d'argent.

— Ah, je n'ai pas dit ça.

— Vraiment ?

— Je vous ai dit que, tout comme vous, je ne me referais pas ce soir. (lâcha-t-il d'un ton malicieux.)

Elle lui offrit un sourire et il fut incapable de déterminer s'il était sincère ou simplement poli.

— Vous pouvez m'offrir un verre... À l'unique condition de deviner ce que je veux.

— Ah, vous êtes joueuse, j'aime ça. (dit-il en claquant des doigts.)

Il l'observa longuement alors qu'ils s'étaient arrêtés au milieu de la rue. La jeune femme battit des paupières, amusée, en lui rendant son regard. Il prit une nouvelle bouffée à son cigare avant de taper dans son poing.

— Je sais ! De l'Hydromel !

Elle papillonna des yeux.

— Perdu. (souffla-t-elle d'une voix de satin.) Hypocras.

Il fit claquer sa langue.

— Ah ! Mais laissez-moi vous l'offrir tout de même.

Elle secoua négativement la tête avec un sourire.

— Désolée mon cher, mais vous avez perdu.

Elle tourna les talons, laissant son compagnon seul au milieu de la rue. Celui-ci se pinça les lèvres avant de jeter son cigare qu'il écrasa.

— Perdu.

La nuit était avancée quand Mirana pénétra dans la rue la plus illuminée, colorée et envoûtante de Nibbana. Comme toute ville qui se respectait, celle-ci disposait de ses propres maisons des plaisirs. Mais Nibbana ne connaissait aucune limite. Toute les frivolités ou presque pouvaient être satisfaites en ces lieux. Hommes, femmes, accessoires, pratiques diverses et variées. Et officieusement, enfants, animaux, et d'autres choses encore moins avouables. Tant que vous restiez discret et que vous aviez de l'argent, tout était permis, peu importait la morale du reste du monde. Mirana avait eu l'occasion de tester de nombreux plaisirs, sans aller jusqu'à ce qu'elle estimait être de la dépravation. Soumise, dominatrice, à plusieurs, sadisme, masochisme, jeu de rôles, etc. Mais en cette soirée, elle voulait simplement s'accorder un peu de bon temps, dans les bras d'une femme. Et elle savait où trouver son bonheur.

La maison close était typée orientale, avec ses tentures et ses bougies parfumées. Elle était un ovni dans cette cité où une grande majorité des gens avaient la peau d'un blanc quasi laiteux, ce qui la rendait d'autant plus populaire car différente. Des coussins reposaient à de nombreux endroits pour autant de lieux de repos et de réconforts. De grandes ouvertures étaient pratiquées à même les murs pour laisser de la lumière filtrer à travers des volets sculptés aux formes arabesques proches des dessins qui recouvraient le plafond. De nombreuses femmes et quelques hommes patientaient dans la salle principale, vêtus de tenues parfois très provocantes. Les hommes portaient une veste sans manche et ouverte, qui dévoilait leurs biceps et abdominaux gonflés et huilés, une ceinture et un pantalon large. Les femmes de leur côté revêtaient un simple soutien gorge brodé en haut. Un voile partiellement transparent était accroché dans leurs cheveux, couvrant une partie de leur visage en partant du nez et descendant jusqu'à leur nombril, ce qui tendait à renforcer leur air mystérieux et aguicheur, notamment en rendant leurs yeux maquillés bien plus visibles et ensorceleurs. Une jupe fendue, sans fioriture, complétait l'ensemble. Quelques clients fricotaient avec hôtes et hôtesses, mais nombreux étaient ceux qui étaient encore libres. Mirana s'avança vers le comptoir, s'empara d'une bourse cliquetante et de bonne taille avec laquelle elle s'amusa un court instant avant de la déposer devant le gérant. L'homme lui lança un regard entendu en souriant avant d'encaisser l'argent.

— Choisissez, ma chère. Ils n'attendent que vous.

Il déposa ensuite une clé sur le comptoir dont Mirana s'empara.

— Bonne soirée.

Elle lui répondit d'un sourire avant de flâner parmi les hôtesses. Toutes la regardaient avec envie, que cela soit réel ou simulé, prenaient des poses plus ou moins avantageuses et sensuelles afin de s'attirer ses faveurs. Mirana prit son temps, marchant parmi ces fausses courtisanes, s'amusant à se montrer désirable et provocante alors même que c'était inutile. Mais elle aimait le sentiment de contrôle et de puissance que cela lui procurait. L'idée de dominer la partie même si c'était futile. Même quand c'était faux. Elle s'arrêta finalement devant une femme rousse, qui ne devait certainement pas être orientale. Du moins pas d'origine... Elle n'était pas vraiment basanée, dorée juste ce qu'il fallait pour ne pas demeurer totalement blanche. Mais la jeune femme avait quelque chose d'autre que cette seule différence avec ses comparses pour attirer le regard et se démarquer. Elle était d'une beauté à couper le souffle, bien sûr, comme la majorité des hôtesses. Mais ses yeux avaient quelque chose de plus. Son regard était incandescent, pénétrant et c'était ce qui lui donnait un charme que les autres ne pouvaient que caresser du bout des doigts.

— Comment vous appelez-vous ? (s'enquit Mirana de sa voix de satin en se perdant dans ses yeux.)

— Comme il vous plaira. (répondit l'hôtesse d'une voix envoûtante et légèrement impertinente.)

Mirana se mordilla la lèvre en réponse, un sourire au bord des lèvres. Avec elle, elle sentait que la nuit serait... délicieuse. Avec elle, elle savait qu'elle ne contrôlerait rien. Et cela l'émoustillait, elle ne pouvait le nier. Elle montra les chambres d'un signe de tête à la rouquine. L'hôtesse acquiesça et déposa un voile sur les épaules de Mirana pour l'attirer à elle, pour la faire sienne, et la conduisit vers les chambres, attrapant la clé qu'elle tenait à la main pour voir le numéro. Mirana se laissa entraîner sans rechigner.

La rouquine dormait paisiblement et Mirana l'observa longuement, caressant du dos de la main sa peau si douce et très légèrement hâlée. Son parfum était partout dans la pièce, enivrant. Mirana se massa les poignets, qui portaient des marques rosées à cause des voiles transformés en attaches qui étaient encore accrochés aux barreaux du lit. Elle était tombée sur une hôtesse particulièrement fougueuse et inventive comme elle l'avait pressenti. Elle se mordilla la lèvre en repensant à leurs ébats qui lui avait procuré beaucoup de plaisir et pas moins de deux orgasmes. Mirana avait toujours eu le don de choisir les bons partenaires, mais cette fois-ci, elle était tombée sur une perle rare, une fleur exotique d'orient comme elle aimait à le penser.

Je reviendrai peut-être ici un jour.

Peut-être. Elle s'habilla silencieusement et sortit discrètement de la chambre avant de rejoindre le hall principal. Elle bifurqua juste avant et rejoignit la salle des massages, pratiquement vide à cette heure avancée de la nuit. En réalité, seulement deux personnes s'y trouvaient. Le client était allongé sur le ventre et son hôtesse lui massait le dos langoureusement. Mirana traversa la pièce d'un pas lent, presque calculé, observant le couple avec un sourire avant de s'arrêter en reconnaissant l'homme.

— Monsieur Allan Karin. (dit-elle de sa voix douce, amusée.)

L'intéressé releva la tête, les sourcils froncés, avant de sourire en croisant son regard.

— Oh, vous ! Mirana Marlok, n'est-ce pas ? (Elle opina.) Quelle surprise.

— Je pourrais croire que vous me suivez. (déclara-t-elle avec un regard malicieux et mutin.)

— Ou l'inverse ! (lâcha Allan en se redressant, faisant signe à l'hôtesse de s'en aller.) Vous travaillez ici ?

Mirana fit claquer sa langue, entre irritation et amusement.

— Je suis cliente.

— Pas si fauchée que ça alors.

— Je n'ai jamais prétendu le contraire.

Il inclina la tête sur le côté, plissant les yeux.

— Touché. (Il s'humecta les lèvres.) Hypocras, n'est-ce pas ?

— C'est bien ça. (dit-elle en acquiesçant d'un signe de tête.)

— Je peux vous en offrir un cette fois-ci ?

— Je crois que vous êtes attendu dans votre chambre. (fit-elle d'un ton relativement narquois.)

Il balaya l'argument d'un geste de la main.

— Oh, ce n'est pas important. Dites oui.

— Pourquoi désirez-vous tant m'offrir à boire ?

Il haussa les épaules, un sourire sur les lèvres, mais ne répondit rien et elle secoua la tête, amusée.

— Je dois refuser de nouveau.

— Vous me fendez le cœur.

Elle s'éloigna de quelques pas, hésitante, avant de revenir vers lui.

— Je comptais faire une balade nocturne, regarder un peu le ciel, les étoiles... Cela vous intéresserait-il ?

— Avec toutes les lumières de la ville, il n'y a pas grand chose à voir. (releva-t-il.)

— Pour qui connaît les bons endroits, si.

Elle lui lança un clin d’œil complice et quitta la pièce. Allan demeura immobile de longues secondes, observant tour à tour les deux sorties menant chacune à une créature de rêve, indécis. Nuit de plaisir payée, ou... Il se tapota le menton, avança d'un pas vers les chambres avant de faire volte-face pour rejoindre Mirana. Après tout, une prostituée était payée pour satisfaire à toutes les demandes, y comprit attendre. Qui plus est, la jeune femme l'intriguait, il ne pouvait le nier. Et elle avait piqué sa curiosité avec sa proposition de voir le ciel, féru d'astronomie qu'il était. Il attrapa sa chemise qu'il reboutonna en quittant l'établissement à son tour.

Ils marchèrent en silence, sur ordre de Mirana, afin d'éviter toute mauvaise surprise. La jeune femme les emmenait à travers de nombreux chemins qui lui étaient totalement inconnus et qui demandaient parfois une certaine agilité. Ils quittèrent rapidement les rues pour grimper sur les toits, s'éloignant des quartiers marchands encore animés à cette heure tardive pour rejoindre celui des résidents. Ils arrivèrent à destination après un bon quart d'heure de marche et d'escalade. De là où ils étaient, ils dominaient un versant de Nibbana qu'Allan n'avait jamais ne serait-ce que traversé et il nota que les lumières étaient toutes éteintes. Cela leur permettait d'admirer le ciel et les étoiles qui illuminaient la voûte céleste sans être dérangés. Un spectacle des plus magnifiques, reposant.

— Vous aviez raison. (dit-il d'un air béat.)

— J'ai toujours raison.

— Ah oui ? (susurra-t-il d'une voix malicieuse.) Alors pourquoi avez-vous perdu à l'arène ?

Elle esquissa un sourire.

— Peut-être l'ai-je fait exprès. (souffla-t-elle d'un ton amusé.)

— Voyez-vous ça.

Elle se mordilla la lèvre et il laissa échapper un petit rire sans la quitter des yeux. Mirana plongea son regard azur dans celui de son compagnon, toute trace de légèreté l'ayant quitté.

— Croyez-vous que nous sommes maîtres de notre destin ? (s'enquit-elle.)

Il fronça les sourcils.

— Quelle étrange question. Être maître de son destin est un peu fort. Peut-être pouvons-nous l'infléchir quelque peu, tout au plus.

— Intéressant. Donc, pour vous, notre rencontre n'est pas le fruit du hasard ?

— Je ne pense pas. (dit-il en s'étirant.) Pourquoi cette question ?

— Je suis simplement curieuse. Vous pensez donc que notre rencontre était voulue par le destin ?

Il lui envoya un regard enjôleur.

— Absolument. Pas vous ?

Elle lui offrit un sourire avant de se lever, lui tournant le dos pour observer les étoiles.

— Pour ma part, j'estime que nous influons sur notre destin et parfois même sur celui des autres.

— Ah oui ? Et quel aurait été votre impact sur le mien ?

Elle se fendit d'un sourire et le toisa par dessus son épaule.

— Je vous ai fait venir ici.

L'homme se tendit imperceptiblement et lui rendit un sourire quelque peu grimaçant.

— Certes. (dit-il, quelque peu nerveux, jetant des regards alentours.)

— Nous sommes seuls, rassurez-vous.

— Je vous crois. (répondit-il.) J'ai un don pour deviner la nature des gens.

Mirana sentit le doute dans sa voix, ainsi qu'une certaine crainte sous-jacente.

— Vraiment ? Et quelle est la mienne ?

— La douceur et le calme qui peuvent dissimuler une tigresse.

— Ah. Analyse intéressante. (répondit-elle en claquant sa langue.) J'ai moi aussi un don.

— Quel est-il ?

— Celui de savoir demeurer invisible. (dit-elle d'un timbre mystérieux.)

— Discrète, une femme comme vous ? Je ne peux y croire !

Elle lui fit face, haussant un sourcil, amusée.

— Ah oui ? (Elle s'approcha de lui d'un pas langoureux, faisant danser un doigt sur son épaule.) Et pourtant, cela fait quatre jours que je suis en ville... (lâcha-t-elle sur le ton de la confidence.)

Un tremblement secoua l'homme tandis que son regard demeurait accroché à la jeune femme qui lui tournait autour.

— Je ne crois pas que vous m'ayez remarqué avant ce soir... (continua-t-elle de sa voix doucereuse.)

L'homme déglutit et se massa la nuque.

— E... Effectivement... Mais la ville est grande. (fit-il, peu convaincu.)

— Et ses rues bondées. (ajouta-t-elle.) L'idéal pour se fondre dans la masse.

— D-de qui vous cachiez-vous ?

— Un certain Gidéon Lanwi.

Le souffle d'Allan s'accéléra.

— Je suppose que vous ne le connaissez pas. (continua-t-elle, comme si elle n'avait rien remarqué.)

— B-bien sûr que non ! (Il avala sa salive avant de tousser.) Mais... Pourquoi lui ?

— Oh, c'est une bien triste histoire. (soupira-t-elle, inclinant la tête sur le côté.) Voulez-vous que je vous la raconte ?

— Je ne sais pas si j'y tiens... (fit-il d'une voix peu assurée, jetant des regards vers le chemin par lequel ils étaient arrivés.)

— C'est fort dommage, mais je vais vous la raconter tout de même. Voyez-vous, Gidéon Lanwi est un voleur d'enfants. De bébés en particulier. Un homme qu'aucun royaume ne saurait tolérer. Il s'introduit chez les gens la nuit, et vole leur progéniture pour ensuite les revendre.

— Des actes forts répréhensibles, en effet... (admit Allan d'une voix légèrement chevrotante.) D-devons-nous craindre de le rencontrer ?

— Je ne pense pas. À votre avis ?

— Comment pourrais-je le savoir ?

Mirana opina avec un sourire.

— Laissez-moi vous conter la suite. Un soir qu'il s'infiltrait dans la maison d'un couple, il eut la désagréable surprise de voir celui-ci débarquer dans la chambre de leur nouveau né pendant son larcin. Une bagarre éclata et le couple perdit la vie, la gorge tranchée par le malfrat. L'enfant ne fut jamais retrouvé.

Allan se frotta les mains l'une contre l'autre, de plus en plus mal à l'aise.

— Vos amis, votre famille ? Êtes-vous là pour la vengeance ?...

— Oh, non, je ne les connaissais pas.

L'homme laissa échapper un soupir muet.

— Par contre, le frère de la femme est venu nous voir.

Allan glissa une main dans sa poche tout en se relevant avant de s'épousseter de l'autre.

— Écoutez, votre histoire était très intéressante, mais il se fait tard et je dois...

Mirana se plaqua dans son dos et il se figea en sentant quelque chose danser le long de sa nuque. Elle se pencha à son oreille, murmurant langoureusement tout en attrapant son bras qu'elle bloqua.

— La suite l'est plus encore, mon ami. La tête de ce scélérat a été mise à prix. Seulement, il avait disparu. Il a fallu de nombreux moyens, de nombreux jours de traque pour parvenir à le retrouver. Et savez-vous où ? (Il se tendit et elle sourit en retour quand il essaya de retrouver l'usage de son bras qu'elle maintenait fermement.) Oui, à Nibbana, ville du vice et du pêché par excellence. Un endroit qui lui convient tout à fait. Quatre jours à le suivre, à l'épier. À noter ses moindres faits et gestes. Et voulez-vous savoir ce que j'ai appris ?

— N-non…

— Et pourtant, c'est là tout le sel de la chose. (murmura-t-elle d'un ton sardonique.) Gidéon a un vice particulièrement répandu. C'est un accroc des jeux, notamment des paris. Raison pour laquelle, au lieu de s'enfuir dès qu'il le pouvait, il est resté dans cette ville, afin d'étancher sa soif, persuadé qu'il était de se fondre dans la masse. Alors, tous les jours, il se rend à l'arène de combat et tous les jours il parie des sommes plus ou moins importantes pour ou contre les gladiateurs qui y entrent. Chaque soir, il se rend dans la même rue, va dans le même bordel, passer une soirée coquine. Et chaque nuit, il regarde vers le ciel, sans jamais rien voir à cause des lumières de la ville. Et il recommence le jour suivant, non sans essayer de trouver femme qui souhaiterait combler ses désirs sans le délester de son portefeuille. N'est-ce pas, Gidéon ?

Le voleur écarquilla les yeux d'angoisse en entendant la question de la femme, tout comme il s'était décomposé avant cela en écoutant son récit. Il tremblait des pieds à la tête, sentant les lames de la femme apposée contre sa nuque, mordant sa chair et faisant couler deux gouttes de sang le long de son dos.

— Je... Je ne vois pas de quoi vous parlez... (couina-t-il, essayant une fois encore de sortir sa main de sa poche.)

Mirana appuya un peu plus sur ses lames et lui comprima l'avant-bras pour lui retirer toute envie de rébellion.

— Vous êtes si facile à ferrer. (murmura-t-elle d'une voix égale.) Si routinier, si prévisible. Comme une montre réglée pour sonner à heure fixe. L'arène, les paris... Lieu d'appât par excellence. Vous ne me voyiez pas alors que moi, je savais déjà comment vous pensiez. Un pari perdu a suffit à vous appâter. Un refus, à vous faire languir, retenir enfin mon visage, qui devenait désirable pour vous. Joueur que vous êtes, en me revoyant, en me reconnaissant, quelques heures plus tard, vous n'avez pu vous empêcher d'essayer de saisir l'occasion de me mettre dans votre lit, une fois encore. Dès lors, vous attirer ici n'était pas difficile. Comme un insecte, prisonnier de la toile d'araignée et qui ne comprend que trop tard le piège dans lequel il est englué.

Gidéon était en nage.

— Je l'admets, c'était brillant... (lança-t-il de sa voix chevrotante.) Mais le meurtre est interdit à Nibbana et jamais vous ne pourrez me faire sortir d'ici ! Pas avec la forêt...

— La forêt... (dit-elle d'un ton mutin.) Voilà pourquoi l'heure était si importante.

Elle lui indiqua l'horizon, qui s'éclairait, doucement.

— Si... Si vous me tuez, vous ne quitterez pas cette ville vivante...

Elle fit claquer sa langue, amusée, langoureuse.

— À la seule condition qu'ils découvrent votre cadavre. (murmura-t-elle à son oreille, dans un soupir voluptueux.) À la seule condition qu'ils puissent m'attraper. À la seule condition que les règles des hommes aient une importance pour moi.

Il écarquilla les yeux, horrifié.

— V... Vous...

— Oui. (souffla-t-elle.)

Et elle enfonça sa lame double d'un mouvement sec dans son cou, sectionnant la colonne vertébrale. Un unique spasme secoua Gidéon avant qu'il ne s'écroule sans un bruit au sol. Mirana considéra le cadavre à ses pieds une demi seconde. Elle nettoya sa lame sur la chemise du mort puis s'éloigna pour rejoindre le bordel. Quand le corps serait découvert, le soleil serait levé depuis longtemps et elle, éclipsée. Elle devrait éviter la ville durant plusieurs semaines, au minimum. Dommage, pour la fleur exotique d'orient...

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