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Extraits de Succube !

Bonjour tout le monde ! Aujourd'hui, on va se pencher sur le tome 2 de #Succube ! Et plus particulièrement, je vais vous montrer un avant/après sur un extrait qui a déjà été partagé sur les réseaux sociaux. Vous pourrez donc voir la différence entre les deux, le travail effectué.

Ce passage concerne un souvenir d'un personnage tiers qui dévoile à Shanarah comment elle est devenue une Vampire. On est loin de la morsure par Dracula ou par une chauve-souris, je vous préviens. Après tout, dans l'univers de Shanarah, tout est toujours lié au chaos, ou presque...


Le premier extrait sera l'ancienne version, point de vue extérieur. Le second est la nouvelle version, point de vue intérieur.

Je vous laisse en profiter et je vous dis à bientôt !




 

Ancienne version : « Son souffle était haletant, saccadé. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine et des vagues de douleur la traversaient de part en part, provenant de ses poignets aussi bien que de ses chevilles, de ses bras et ses jambes… Le plafond de pierre au-dessus de sa tête culminait à trois mètres de hauts et des ombres mouvantes y dansaient, projetées par les flammes des torches.

- Pitié… (marmonna Natasha, la voix brisée.) Pitié…

Une main se posa sur sa joue, froide, dure.

- Pas après avoir fait tant d’effort. (dit la voix de l’homme.)

Ses yeux la regardaient sans aucune chaleur, pas la plus petite once d’humanité.

- Pourquoi ? Pourquoi vous nous faites ça ?

- Quelle importance ?

Son regard la quitta pour s’intéresser à quelque chose sur la gauche de Natasha. Celle-ci essaya de tourner la tête, de suivre son regard, mais ses épaules le lui interdisait. L’homme s’en alla. Des bruits de discussions parvinrent à la jeune femme, noyées par le crépitement des flammes et… les pleurs d’une autre personne.

À nouveau, quelqu’un entra dans son champ de vision. Il tenait à la main un sac, d’où s’écoulait un liquide poisseux, noirâtre. D’autres personnes, hommes et femmes, arrivèrent à sa suite, pour un total de quatre, tout autour de la prisonnière, tenant quelque chose de similaire. Ils échangèrent des regards, acquiescèrent… et la peur gonfla en Natasha. Elle ne savait pas ce qu’elle faisait ici, pourquoi ils s’en étaient pris à elle, mais… en son for intérieur… elle savait une chose. Ils allaient la tuer. Et elle ne pouvait s’empêcher de pleurer, de se dandiner, dans une tentative futile de se libérer qui ne fit qu’accroître ses douleurs, amplifier la gêne de sa pose.

- Pitié… (marmonna-t-elle avec impuissance, désespoir.) Pitié…

L’un de ses geôliers ouvrit son sac, fourra la main dedans avant d’en sortir quelque chose de visqueux, mou, dégoulinant… d’un rouge sombre. Il le leva au-dessus de Natasha, faisant tomber quelques gouttes de ce liquide sur elle avant de le poser à côté de son torse, du côté gauche.

- Le cœur de la mère. (annonça-t-il.)

Cette phrase tétanisa momentanément la jeune femme cependant qu’elle prenait conscience de ce qu’il venait de se passer. Un autre membre du groupe ouvrit le sien et en retira quelque chose de poisseux et rabougris selon le même rituel que précédemment.

- Les poumons du père.

- Qu..que… Non… non…

Un autre continua.

- Le cerveau du frère.

Natasha sentit le liquide couler entre ses seins à nus, se débattit avant de hurler quand l’organe la survola, frôle son crâne. Un hurlement de douleur, d’horreur.

- Le sang de l’être aimé.

Le liquide écarlate recouvra le corps de la prisonnière, qui pleurait, criait… brisée, anéantie. Les geôliers se retirèrent et l’homme venu précédemment se posta de nouveau au-dessus de Natasha, une dague entre les mains. Des tremblements secouèrent la jeune femme, animée par une terreur pure.

- Nous t’offrons ce sacrifice en toute connaissance de cause. Sa vie… pour notre immortalité.

L’homme leva haut son arme… et la planta avec force dans le cœur de sa prisonnière. Un spasme secoua celle-ci… et il n’y eut plus que les ténèbres.

Une vibration. La chaleur. La femme rouvrit les yeux, en poussant un hurlement, de stupeur, de souffrance. Au-dessus d’elle, la réalité semblait se distordre légèrement. De nouvelles vibrations s’emparèrent d’elle, réveillant de nouvelles douleurs indescriptibles dans son corps.

- Ce n’est pas normal ! (fit une voix.)

- Elle devrait être morte ! (renchérit une autre.)

- Ça ne devait pas se passer ainsi ! (ajouta une troisième.)

Les attaches cédèrent quand une impulsion traversa le corps rougit de Natasha. Elle se redressa, posant un regard bestial sur ses ravisseurs. Un feulement s’échappa de ses lèvres… et elle se jeta en avant. Ses griffes s’enfoncèrent dans les épaules de la femme la plus proche. Ses canines se développèrent cependant que l’odeur du sang excitait ses papilles et elle planta ses crocs dans la chair de l’humaine. Le sang gicla, s’insinua dans sa bouche, dans sa gorge, renforçant ses muscles, chassant la douleur. En quelques secondes, la vie de la femme déserta son regard et son corps et Natasha s’en désintéressa, laissant le cadavre tomber au sol, avant de se jeter sur un autre. La panique régnait dans le caveau. Natasha allait de proie en proie, volant leur vie comme ils avaient volés la sienne, celle de sa famille. Des secousses traversèrent alors l’endroit… les flammes des torches vacillèrent, les colonnes s’effritèrent… des morceaux du plafond tombèrent tout autour de la jeune femme. Puis, ce fut le néant.

Natasha se réveilla avec un brusque et longue inspiration. Ses yeux fouillèrent les environs immédiats, avec angoisse, terreur. Elle n’y voyait presque rien. Un mince filet de lumière lui parvenait, juste au-dessus d’elle. Elle se contorsionna pour essayer de se redresser, sans succès. De lourds rochers la bloquaient, l’ensevelissaient. La panique la gagna et elle força sur les décombres, avec l’énergie du désespoir. Après un temps qui lui parut avoir duré une éternité, l’un des bloc bougea… puis chuta sur le côté, libérant un passage. La jeune femme se glissa hors de son cercueil de roche, chancelante. Son regard engloba la pièce… ou ce qu’il en restait… avant de se poser sur la chose qui sortait de sa poitrine. Le manche d’une dague. Des larmes roulèrent sur ses joues cependant que la mémoire du rituel lui revenait. D’une main tremblante, elle attrapa la hampe, tira dessus. Un grognement s’échappa de sa gorge cependant que la lame déchirant ses chairs, raclait contre les os. Elle la lâcha, haletante, avant de recommencer, affolée, criant de plus belle sous l’affliction provoquée. Elle l’arracha alors d’un coup sec, poussant un long cri. La jeune femme regarde l’arme avec dégoût, terreur, et la laissa tomber au sol dans un tintement lourd. Sous ses yeux, sa plaie se résorba lentement, ne laissant qu’une vague cicatrice, à peine visible. La jeune femme n’y comprenait rien… Elle était totalement perdue. Elle se leva, marcha parmi les décombres, titubante. Trébucha. Les horreurs de la journée étaient dans son esprit, tels des parasites aux griffes acérés qui se plantaient dans son cerveau, menaçaient de la faire sombrer dans la folie. Elle marchait pour essayer de ne pas y penser. Rampait. Pleurait.

Ting.

Le bruit résonna, puis se tut. Natasha se figea un instant, incertaine, avant de reprendre sa route, persuadée d’avoir rêvée.

Ting, ting, ting.

Elle s’arrêta, les sens aux aguets. Elle en était sûre, elle avait entendu quelque chose. Humain ? Ennemi ? Son cerveau lui hurlait de partir, de fuir. Mais elle ne savait pas où aller… ni où elle était. Elle se mit en quête de l’origine du bruit. Une porte, lourde. Fermée. Par chance, les clés étaient encore accrochés au clou à côté de la cellule. Le bruit continuait de retentir après de longues secondes d’arrêts, faible, irrégulier.

- Pitié… (entendit-elle.)

Une fois de femme, étouffée par le bois. Après une courte hésitation, la jeune femme attrapa une torche, ouvrit la porte, puis jeta un coup d’œil dans la cellule.

- Qui est-là ? (marmonna-t-elle d’une voix faible, pâteuse.)

- Pitié…

La voix lui paraissait vaguement familière… Natasha se rapprocha, tendit la torche pour découvrir une jeune femme, le visage pâle, dans une robe tâchée de sang, attachée avec des chaînes au mur.

- Yu...lia ?

L’intéressée releva la tête, croisant le regard de Natasha. Un hoquet de stupeur s’échappa de ses lèvres, puis des larmes, encore mélancolie et joie, inondèrent ses yeux et ses joues.

- Natasha… Tu es en vie…

- Je te croyais morte… (souffla Natasha.)

- Moi aussi.

La jeune femme tomba à genoux, autant par épuisement que par soulagement, et étreignit sa compagne avec force.

- Ils sont morts… ils sont tous morts… (fit-elle dans un sanglot.) Mais pas toi… Seigneur, pas toi…

Yulia répondit à l’étreinte de son amante avec espoir. Elle restèrent ainsi, durant de longues secondes.

- Il faut qu’on sorte d’ici…

Natasha acquiesça vivement.

- Oui. Je dois avoir les clés… Là.

Les chaînes tombèrent. Yulia s’appuya au mur pour se remettre debout, et les deux femmes quittèrent la cellule.

Leur déambulation dans les couloirs effondrés dura des heures. Des heures d’épuisement, voûtées, à avaler la poussière. Prise d’une quinte de toux, Natasha tomba à genoux, entraînant Yulia dans sa chute. Les jeune femmes glissèrent sur le sol rocheux, roulèrent sur plusieurs mètres avant de se figer. Natasha se redressa avec un gémissement avant de choir, haletante. De nombreuses plaies étaient visibles sur son corps, donc chaque millimètre la faisait souffrir. Le goût métallique du sang avait envahi sa bouche, la dégoûtait… et aussi étrange que celui puisse paraître… la mettait également en appétit. Yulia gémit et se releva à son tour, maladroitement, tremblante.

- Que… Natasha… où ?

- Je suis là… (dit celle-ci d’une voix faible.)

Yulia se pencha vers son amante, repoussa une mèche de ses yeux, collée par la sueur.

- Viens, lève-toi.

Natasha secoua la tête.

- Non… Je n’ai plus la force…

- Si ! On va y arriver, ensemble !

La femme passa ses bras sous ceux de son amante pour l’aider à se relever, dévoilant ainsi son cou luisant de sueur et de sang. Du sang frais, dont l’odeur parvint jusqu’aux narines de celle-ci. Le cœur de Natasha accéléra ses battements tandis que ses yeux étaient comme happés par cette petite plaie, ce cou à la chair si tendre. Elle frémit quand un grondement sourd retentit dans sa gorge. Elles se figèrent toutes deux, angoissée.

- Qu… qu’est-ce que c’était ?

- Je… ne sais pas…

Yulia secoua la tête et souleva son amante, avant de passer l’un de ses bras autour de ses épaules.

- Ensemble, Natasha. Ok ?

Elles firent quelques pas avant de trébucher. Un grognement s’échappa des lèvres de Yulia quand sa tête cogna contre la roche. Elle se redressa en titubant, avant de se pencher au-dessus de Natasha. Du sang s’écoulait d’une plaie à la tête, goutta sur le visage de la jeune femme, humidifiant ses lèvres avant de s’infiltrer dans sa bouche. Cette seule goutte suffit à rendre son estomac palpitant. Elle en voulait plus et se surprit à imaginer sa bouche plaquée contre la plaie de son amante pour la sucer. Une vision qui lui arracha un frisson, mélange de désir et d’écœurement.

- … va bien ?

- Quoi ?

- Tu vas bien ? (répéta Yulia.)

- Mal partout…

- On va y arriver. (dit-elle d’une voix confiante.)

Elle tendit une main vers son amante. L’image de sa vision continuait de hanter Natasha, elle ne parvenait pas à s’en défaire… et cela l’effrayait. Elle regarda la main tendue, puis son amour, indécise. Des grondements se firent entendre, suivis de vibrations et de la poussière des pierres enchevêtrées au-dessus de leurs têtes.

- Il faut qu’on y aille avant que tout ne s’écroule.

- Je n’y arriverai pas… Pars sans moi, Yulia… sauve ta vie.

- Jamais ! Je refuse de vivre sans toi ! Viens ! Je t’en prie !

- Non… je n’ai plus la force…

- Arrête de dire des bêtises ! (hurla-t-elle, en larmes.) Viens !

Elle agrippa les bras de Natasha, l’obligea à se relever avant de lui servir de nouveau de béquille, l’entraînant avec elle dans les couloirs effondrés. Un souffle d’air frais leur parvint, redonnant du baume au cœur de Yulia. Natasha le sentit comme s’il s’était agit du sien. Les battements dans la poitrine de sa chérie s’étaient accélérés, faisant palpiter la veine de son cou qu’elle n’avait cessé de regarder depuis qu’elle l’avait en ligne de vue.

- Tu le sens toi aussi ? Il y a une sortie là-bas, j’en suis sûre !

Natasha ne répondit rien et un nouveau grondement s’échappa de sa gorge, suivie d’une vague de douleur, explosant dans son crâne. Elle recula d’un pas, se prenant la tête entre les mains avant de tomber à genoux. Des spasmes s’emparèrent d’elles cependant que son affliction venait désormais de son ventre. Pliée en deux, elle aperçut son amour qui mettait un genou à terre, l’appelant, paniquée.

- Natasha… on est presque dehors, accroche-toi…

- Va-t-en…. (dit l’intéressée, les dents serrées.) Va-t-en, je t’en prie…

- Pas sans toi ! On peut le faire ! On y est presque !

Ses mains enlacèrent le visage de Natasha, l’invitant à la regarder dans les yeux. Celle-ci s’y perdit, cependant que l’odeur du sang lui parvenait, lui faisant oublier tout le reste. Yulia tourna la tête vers le tunnel.

- Je sais qu’il y a une sortie là-bas, j’en suis convaincue. On peut y arriver.

Natasha ne l’écoutait plus, toute son attention tournée vers la veine jugulaire qui pulsait sous ses yeux et la faisait saliver. Et plus elle la regardait, plus la pression dans son crâne augmentait. Elle se sentait attirée… jetée vers ce cou. Yulia se plaça de nouveau face à sa compagne.

- Ensemble. (dit-elle d’une voix confiante.)

Ses bras vinrent se placer sous ceux de Natasha. Celle-ci ferma les yeux, humant le parfum de son amour. Mais il n’y avait que l’odeur du sang, la palpitation de la veine… La douleur qui l’étreignait ne cessait de croître, mais elle savait également au fond d’elle comment y remédier. Des larmes roulèrent sur ses joues.

- Pardonne-moi…

Et elle céda. Sa bouche se posa dans le cou de son amante et ses crocs se développèrent, perçant la chair pour se repaître du sang chaud et juteux. Yulia poussa un cri et tenta de se reculer, mais les bras de Natasha s’étaient refermés sur les siens et les serraient avec force. Et à mesure que le temps passait, que ses forces l’abandonnaient, celles de Natasha grandissaient. Les membres de sa compagne broyaient désormais les siens. La force vive de Yulia désertait son corps, aspirée en même temps que le liquide écarlate par celle qu’elle avait aimé de tout son cœur.

- Nat… Natasha… (marmonna-t-elle d’une voix faible.)

Mais celle-ci n’entendait pas. Une seule chose comptait, le sang qui coulait dans sa bouche, dans sa gorge, dont elle se repaissait, qui la nourrissait, la renforçait, repoussant la douleur, régénérant son corps. Il lui en fallait plus, toujours plus. Elle aspira tout, jusqu’à la dernière goutte. Jusqu’à ne laisser qu’un corps sans vie, desséché. Et quand il tomba à terre, elle se redressa en rugissant. Un rugissement puissant, bestial, triomphant. Avant que l’horreur ne suive. »


 

Nouvelle version :




« La douleur. C’est ce qui me réveilla. Une douleur dans mes membres, provoquée par des attaches. Je les sentais dans mes chairs, qui me maintenaient dans une position plus qu’inconfortable et douloureuse. J’ouvris doucement les yeux, battis des paupières pour chasser le trouble qui habitait mon regard. Je me contorsionnai pour tenter de regarder autour de moi mais les liens empêchaient presque tout mouvement. Je ne pouvais que contempler le plafond haut, peut-être bien plus de deux mètres, et les ombres mouvantes qui y dansaient, projetées par les torches et les braseros qui m’entouraient. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine cependant que je prenais conscience des murmures prononcés autour de moi.

- Il y a quelqu’un ? (appelai-je d’une voix tremblante.)

Pas de réponse. Les murmures continuaient de résonner, tels une psalmodie funèbre. Je tentai une nouvelle fois de me déplacer et ne réussi qu’à me cisailler plus encore les chairs, me faire gémir de douleur. Des larmes roulèrent sur mes joues.

- S’il-vous plaît… Aidez-moi… (marmonnai-je.)

Soudain, j’aperçus du mouvement sur ma gauche. Quelque chose entra dans mon champ de vision pour en ressortir presque aussitôt. Et pendant ce temps, la litanie se poursuivait, de plus en plus lugubre, angoissante. Je ne pus contenir un frisson d’effroi.

- Pitié… (marmonnai-je.) Pitié, laissez moi partir…

Quelque chose toucha soudainement ma joue, me faisant sursauter, vrillant mon corps de douleur. Je tournai la tête, posai mon regard sur un homme encapuchonné. Sa main agrippa ma mâchoire et il fit tourner ma tête sans douceur.

- Elle est réveillée.

- Bien. (fit une autre voix, féminine.)

- Q-qui ê-êtes-vo-ous ? (demandai-je en bégayant.)

L’homme s’éloigna sans daigner me regarder ni même me répondre. Les chants se poursuivaient, de plus en plus sinistres, funèbres. Mais j’entendais également autre chose, comme… comme des pleurs. De nombreux pleurs. Et je ressentais également une… présence. Pesante. Lourde.

- Pitié… Pitié… (marmonna une voix étouffée et sanglotante.)

Je frémis devant la détresse qui s’en dégageait. Mais que pouvait-il bien se passer ? Qui étaient ces gens ? Que nous voulaient-ils ?!

Un cri retentit soudain et je sursautai, terrifiée. Puis un second suivi ! Les pleurs se poursuivaient, avec force, désespoir. Et… ils s’arrêtèrent dans un dernier cri. Alors, ce fut le silence. Je n’entendais que ma respiration, haletante, tremblante. Mes yeux me brûlaient. Mon cœur battait de façon chaotique dans ma poitrine. La terreur était mon seul horizon. Quelqu’un se rapprocha de moi. Je me recroquevillai autant qu’il m’était permis, prise de sanglots incontrôlables. Il avait dans une main une grande lame recouverte de sang et dans l’autre quelque chose de sombre et poisseux qui gouttait.

- Pitié… (marmonnai-je d’une voix étranglée.) Pitié…

L’homme ne répondit rien et continua de se rapprocher. Je ne voyais plus que cette lame qui pointait dans ma direction, dégoulinante de sang. Une lame qui susurrait mon nom, me promettait la mort !

- Non… Non ! (bafouillai-je en me dandinant pour tenter de me libérer.)

Je ne réussis qu’à ouvrir plus encore mes plaies, à cisailler mes chairs. L’homme était désormais tout près de moi, me dominait de toute sa taille. Sa main passa au-dessus de moi… et il posa ce qu’il tenait sur ma poitrine. Je sursautai. C’était mou… chaud… poisseux…

- Le cœur de la mère. (dit-il d’une voix dénuée d’émotion.)

Je tiquai à ces mots.

Qu… quoi ? Que venait-il de dire ?

Il s’éloigna de quelques pas. Je redressai la tête autant que possible, ignorant la douleur que cela réveillait dans tout mon corps pour essayer de voir ce qu’il venait de me poser dessus.

Le cœur… de la mère ? La mère…

- Maman ?…

C’était un cœur… son cœur… Je n’osai plus bouger, plus respirer. Les larmes roulaient sur mes joues dans un silence pesant. Soudain, je sentis quelque chose goutter sur mon visage et me rallongeai, terrifiée, pour voir une masse visqueuse et grisâtre au-dessus de ma tête.

- Le cerveau du père. (fit une voix en le posant sur mon crâne.)

J’ouvris des yeux ronds, interdite. Le… cerveau… ? Un gémissement s’échappa de mes lèvres et je tentai de me dégager mais mes liens ne m’autorisaient presque aucun mouvement. L’organe se posa sur mon crâne, dégoulina sur mon visage. Je hurlai d’horreur, de douleur, bougeai fébrilement la tête pour tenter de m’en débarrasser, cognant contre mes bras qui me bloquaient.

- Et le sang de l’être aimé. (intervint une femme face à moi.)

Je me figeai, regardai la femme. Et alors, un liquide poisseux aspergea tout mon corps. Il s’engouffra dans mes yeux, mon nez et ma bouche, coula dans ma gorge, m’étouffant, me donnant la nausée. Je toussai, crachai, totalement paniquée, terrorisée.

- Accepte ce sacrifice, offert en toute connaissance de cause. Que sa vie nous ouvre la voie. Que sa vie nous donne… l’immortalité.

Je levai les yeux, vis la dague scintiller au-dessus de moi… puis me fondre dessus. J’ouvris la bouche sur un cri muet, une douleur fulgurante traversant ma poitrine… Puis un voile s’abattit devant mes yeux… et… il n’y eut plus que… les ténèbres…

Une vibration. Un éclat de lumière. Une douce chaleur… qui gagna rapidement en intensité. Une autre vibration… Quelque chose… s’insinuait en moi. Je sentais cette chose se déplacer et cogner dans mon corps. J’ouvris les yeux, submergée par une douleur vive, bouillonnante. Elle était si intense que je n’arrivais ni à crier, ni à respirer. Je restai les yeux exorbitées, silencieuse. La lame gouttait au-dessus de moi. Étais-je morte ? Vivante ? L’air ondulait férocement derrière le couteau, comme si… comme si la réalité… se distordait ? Je voyais quelque chose s’agiter, comme au travers d’un voile, taper violemment contre un mur invisible… avant de disparaître. Alors, un spasme me traversa. Puis un autre, et encore un autre, de plus en plus nombreux, de plus en plus violents. Tout mon corps était au supplice et un sifflement se faisait entendre, comme provenant du néant. Un son s’échappa enfin de mes lèvres, un raclement, un gargarisme… et enfin un gémissement. De complainte, de douleur.

- Ce n’est pas normal ! (s’écria une voix.)

- Pourquoi ça a encore les yeux ouverts ?! Pourquoi ça gémit ?! (renchérit une autre.)

Je peinais à les entendre, à les comprendre tant elles étaient déformées, couvertes par ce sifflement persistant qui allait en s’accentuant à chaque seconde.

Je pris une longue, profonde inspiration, sifflante, comme pour la première fois. Et je me mis à hurler. Un hurlement strident, inhumain. Mon corps se raidit, mes muscles se tendirent ! Il y eut une impulsion et l’instant d’après, je me retrouvais je ne sais comment debout, libérée de mes entraves, dominant de toute ma taille l’ensemble des cultistes, les dévisageant… avec appétit. Ils se reculèrent, apeurés. Mon estomac gronda et un feulement s’échappa de mes lèvres cependant qu’un voile rouge obscurcissait ma vision. Je fis un pas… et me jetai en avant !

Des cris. Des coups portés. Des secousses. Du sang qui gicle. Qui inonde les murs. Qui se répand sur le sol et sur mon corps. Images fracturées. Chaotiques.

Une inspiration. Je me réveillai au milieu d’un champ de ruine, au milieu de corps atrophiés, desséchés. Et… du sang. Partout du sang. Répandu sur mes vêtements, sur mes membres. Au sol, sur les murs. Partout. Je me levai, agitée de tremblements, de frissons. Que s’était-il passé ? Je posai mon regard sur un corps dont le cou avait été déchiqueté, comme attaqué par un animal. Une image s’imposa à mon esprit, trop rapide, trop chaotique pour parvenir à en saisir le sens. Je me pris la tête entre les mains, saisie d’un vertige, d’une migraine. Elle passa aussi vite qu’elle était venue mais je ne me sentais pas mieux pour autant. Je me léchai les lèvres et une nausée me saisit. Quel était ce goût horrible dans ma bouche ? Horrible et pourtant… Une nouvelle fois, une image me revint, un flash. Je… fondais sur quelqu’un et… soudain, une gerbe de sang ! Je secouai la tête, chassai ces images de mes pensées. Pour l’heure, je devais partir ! M’éloigner d’ici. Hélas… où que se posait mon regard, je ne voyais que des décombres. Aucune sortie. Je déglutis. La seule source de lumière provenait des torches effondrées au sol, qui étaient en train de s’éteindre peu à peu. Non. Il y en avait une autre. Un mince filet de lumière qui filtrait à travers le plafond partiellement écroulé. Je posai mes mains sur la roche, poussai pour tenter de déblayer un passage. Mais la pierre refusait de bouger. Je poussai, poussai de toutes mes forces sans parvenir à la déplacer ! La panique me gagnait, l’air commençai à me manquer. Je m’acharnai sur cette roche qui ne voulait pas céder d’un pouce.

- Bouge… Mais bouge ! (hurlai-je, affolée.)

Il y eut comme une vibration et, soudain, la roche se fissura. Je m’écartais juste avant qu’elle ne tombe en morceau, ouvrant un passage. J’ignorai comment elle était tombée et je m’en fichais ! J’oubliais la poussière qui me piquait les yeux, le nez et la gorge et me faufilai hors de mon cercueil rocheux, parmi les débris, jusqu’à un escalier. À plusieurs reprises, une douleur sourde s’était manifestée dans ma poitrine, comme si quelque chose y bougeait. Mais je n’en tins pas compte avant d’être enfin dans un couloir dégagé dans lequel je pouvais tenir debout. Je pris alors une grande inspiration qui me fit grimacer. Je baissai la tête, posai mon regard sur ma poitrine… et laissai échapper un hoquet de stupeur. Une lame y était fichée. Comment… n’avais-je pu m’en rendre compte plus tôt ? J’en attrapai le manche d’une main tremblante, peinant à refermer mes doigts dessus. Une image me vint en mémoire, une réminiscence… La lame étincelante au-dessus de moi, gorgée de sang. De mon sang. Et ensuite… replongée alors que je me jetais sur l’homme… Je grognai, secouai la tête pour chasser ces images. Je raffermis ma prise sur le manche, puis, je tirai avec force ! Un hurlement de douleur s’échappa de mes lèvres quand mes chairs se tailladèrent, que la lame racla contre les os. Je la lâchai d’un coup, à bout de souffle. Elle était enfoncée si profondément que je l’avais à peine bougé. Comment… Comment pouvais-je encore… bouger ? Je déglutis, attrapai à nouveau la hampe et tirai une fois encore. À nouveau un hurlement, à nouveau cette terrible affliction qui menaçait de me faire tourner de l’œil. Mais je refusai de céder et m’accrochai au manche, tirai et tirai malgré cette douleur qui explosait dans ma poitrine et n’avait de cesse de s’intensifier. Je sentis alors quelque chose craquer dans ma poitrine et la lame se délogea d’un coup sec, dans une gerbe de sang. Je tombais en arrière, la respiration coupée. Mal… si mal ! Ma poitrine… était en feu ! J’étais incapable de respirer, de penser, noyée par la douleur. Je n’entendais que les battements de mon cœur, qui résonnaient avec force à mes tempes, étrangement… réguliers. J’avais l’impression que quelque chose courait dans ma plaie, s’engouffrait dans mon corps. Et dans le même temps, la douleur refluait peu à peu. Jusqu’à totalement disparaître. Alors je parvins à prendre une longue et profonde inspiration. Je me redressai, tremblante, portant une main à ma blessure. Mais celle-ci s’était entièrement résorbée sans laisser la moindre trace, hormis un filet de sang. Je déglutis. C’était à n’y rien comprendre ! Je… étais-je en train de perdre la boule ? Je me pris la tête entre les mains, me berçai doucement. Oui… j’étais en train de devenir folle… Quelle autre explication sinon ?

Je me forçai à me remettre debout. Dans la semi-pénombre, je perçu l’éclat de la lame que j’avais extrait de ma poitrine et avec lui, revinrent les images des horreurs que m’avaient infligés les cultistes. Des horreurs qui enserraient mon esprit, tels des parasites aux griffes acérés qui se plantaient dans mon cerveau pour me faire revivre encore et encore ces tourments. Je déglutis et détournai les yeux, l’ignorant, comme mes souvenirs. Folle. Ce ne pouvait être que ça… Car sinon… cela signifiait que… qu’ils m’avaient… que j’étais…

Ting.

Le son se répercuta en écho dans le couloir désert durant de longues secondes, brisant le fil de mes pensées. Je me figeai, les sens aux aguets, incertaine. Je tendis l’oreille. Rien. L’avais-je rêvé ? Je frémis, repris ma marche.

Ting.

Une fois encore, ce son métallique.

Ting. Ting. Ting.

Un tremblement me secoua. Il était réel ! Mais d’où pouvait-il provenir ?

Ting !

Sur ma droite. Dans ce couloir. Je déglutis. Devais-y aller ? Ou fuir ?

Ting.

Le bruit était faible, irrégulier. Avec une inspiration, je me décidai à m’y aventurer, à en trouver la source. Des portes parsemaient le corridor, toutes fermées, sinistres.

- Pitié…

Je manquai sursauter en entendant cette petite voix faible. Elle était toute proche. Je m’arrêtai devant la dernière porte du couloir. Encore une fois, le bruit métallique se fit entendre. C’était ici, à n’en point douter. Après une longe hésitation et ignorant les dizaines de questions qui se bousculaient dans mon esprit, j’attrapai les clés pendu au clou et ouvris le battant. La lumière du couloir éclaira l’intérieur de la cellule. Une forte odeur parvint jusqu’à mes narines, écœurante, mélange de sueur, d’urine, d’excrément et… de quelque chose d’autre, que je n’arrivais pas à identifier mais qui semblait plus… agréable ? De la paille recouvrait le sol, ainsi que des chaînes et des haillons. Blottie dans un coin de la pièce, accrochée au mur, se trouvait une jeune femme qui semblait n’avoir plus que la peau sur les os. Elle plissa les yeux, certainement éblouie par la clarté des torches et regarda dans ma direction, secouée d’un tremblement. Elle semblait si… misérable.

- Pitié… (répéta-t-elle de sa voix cassée.) Cette voix… Se pouvait-il… ?

Je m’avançai d’un pas, puis d’un autre, tremblante, un rien… méfiante. Les yeux de la jeune femme scintillaient faiblement. Comment pouvaient-ils… scintiller ? Je m’accroupis, nos visages désormais à quelques centimètres l’un de l’autre et la regardai attentivement.

- Minarie ?

Un frémissement la traversa. Elle se rapprocha, me dévisagea longuement, incertaine, effrayée. Puis, le soulagement s’invita dans ses yeux, comme dans les miens.

- Natasha…

Je hochais la tête, mon cœur gonflé de joie, d’espoir.. Ses mains agrippèrent mes bras et elle pleura. De peine. De soulagement. D’euphorie.

- Tu es en vie… (soupira-t-elle.) Tu es en vie…

- Toi aussi…

J’étais si heureuse de la voir, de l’entendre. Rassurée… Je l’observai à nouveau, à la lumière de la torche. Son visage était émacié, son corps présentait de nombreuses ecchymoses, son teint était pâle. Je pouvais presque deviner le contour de ses veines à travers son épiderme, presque entendre le sang qui y coulait… Je déglutis, prise d’un vertige.

- Mais qu’est-ce qu’ils t’ont fait ? (demandai-je avec horreur.)

Elle secoua la tête sans cesser de pleurer, remonta ses mains jusqu’à mon visage pour le toucher, le caresser.

- Comment t’es-tu échappée ?

- Aucune importance. Je vais te faire sortir d’ici !

Je retournai chercher le trousseau de clé et ouvris ses chaînes.

- Tu peux marcher ?

Minarie se leva en se tenant au mur. Elle fit un pas tremblant et se rattrapa à la cloison avec un gémissement.

- Je… suis pas sûre…

Je pris son bras et le posai en travers de mes épaules.

- Tiens-toi à moi. On va sortir d’ici, d’accord ?

Elle hocha la tête, me sourit faiblement.

- D’accord.

Je ne savais dire combien de temps nous marchâmes. Des minutes ? Des heures ? Peu à peu, Minarie recouvrait des forces, si bien qu’elle n’eut plus besoin de mon aide. Moi, au contraire, je me sentais de plus en plus faible. Ma gorge était sèche, mes doigts agités de spasmes. J’entendais les battements de son cœur, malgré le mètre qui nous séparait. J’avais l’impression de pouvoir voir son sang, ses veines en filigrane au travers de sa peau. Et je me sentais… incroyablement assoiffée.

- Natasha ?

Je manquai sursauter, posai mon regard sur elle. Minarie me dévisageait avec inquiétude. Je pris une inspiration, tremblante.

- Ça va pas ? Je déglutis.

- Si… Je… Je suis juste… fatiguée.

Elle attrapa mes mains, les serra dans les siennes.

- Courage, on va s’en sortir !

Je sentais… le sang couler dans ses veines… Je pouvais presque… sentir son odeur.

Non. Pas presque, réalisai-je quand elle retira ses mains, laissant des traces rouges sur les miennes. Je pouvais le sentir… L’odeur était enivrante, attirante… entêtante. J’observai longuement mes mains, incapable de détacher mon regard de ce liquide écarlate, les rapprochai de mon visage, lentement, presque sans m’en rendre compte, tout en ouvrant la bouche. Ma langue glissa entre mes lèvres, se tendit pour y goûter…

- Viens, Natasha !

Je sursautai et levai les yeux avant que mes mains n’atteignent mes lèvres pour croiser ceux de Minarie.

- Viens !

Sa main était tendue vers moi, m’invitant à m’en saisir. Une main recouverte de sang.

- Tu saignes… (dis-je d’une voix cassée.)

Elle grimaça.

- Je me suis écorchée tout à l’heure. Mais c’est rien. Viens.

Écorchée… Oui, je voyais le sang couler le long de sa jambe. Plus qu’une simple écorchure, elle s’était entaillée la jambe. Je déglutis, regardai à nouveau mes mains avant de secouer la tête. Mais qu’est-ce qui m’arrivait ? J’attrapai celle de Minarie et nous reprîmes notre marche. Une marche de plus en plus difficile au travers de ses ruines. Mais où nous trouvions-nous ? Quelle pouvait bien être la longueur de cet édifice ?

Minarie s’appuya contre un pilier pour reprendre son souffle. Nos regards se croisèrent au moment où celui-ci céda, nous entraînant toutes deux dans sa chute. Je m’étalais de tout mon long au sol, cognai ma joue contre la roche. Un goût métallique s’invita dans ma bouche et un frisson me traversa cependant que mon estomac réagissait par un grondement. Je me relevai en l’ignorant. Une quinte de toux me saisit, tant à cause de l’effort que de la poussière en suspension dans l’air.

- Minarie, tout va bien ?

Un grognement incertain me répondit. J’essayai de regarder autour de moi, mais mes yeux me piquaient et pleuraient tellement à cause de cette fichue poussière que je ne voyais rien.

- Minarie ? (demandai-je, inquiète.)

- Ça… ça va aller…

Sa voix était quelque peu tremblante, faible.

- Qu’est-ce qui se passe ?

- J’ai la tête qui tourne…

Je la cherchai en tâtonnant du bout des doigts. Dans le même temps, la brûlure de mes yeux commença à se résorber et je perçus une vague forme face à moi. Elle semblait auréolée d’une lueur vaguement rougeâtre. Je m’en rapprochai, toujours en tâtonnant et mes doigts trouvèrent les siens. Minarie les serra brièvement. Je remontai le long de son bras, jusqu’à son cou, son visage. Là, je rencontrai quelque chose de poisseux et retira aussitôt ma main, affolée.

- Minarie…

- Je me suis cognée la tête. Mais ça va aller. Laisse-moi une seconde.

Elle se tut. Je crus un instant qu’elle s’était évanouie, mais sa voix résonna à nouveau.

- Hors de question de mourir ici… Même à tes côtés, chérie.

Je secouai la tête, entre ironie et mélancolie.

- Hors de question. (répétai-je.)

- Ok… Tu peux te relever ? (demanda-t-elle après un moment.)

- Et toi ?

Elle se rapprocha de moi, glissa sa main dans la mienneet l’odeur de son sang envahit alors mes narines. Un tremblement me saisit. Mon estomac se contracta, se tordit etémit un grondement qui remonta le long de ma gorge. Je me mis à saliver. Je voyais Minarie à travers un prisme rouge orangé, son sang écarlate ressortant plus que de raison. Un sang que je voulais goûter ! Une nouvelle fois, ma langue se glissa hors de mes lèvres, attirée par le liquide rouge. J’avais besoin de goûter ! Il le fallait ! Minarie pressa doucement ma main. Je me figeai à quelques millimètres de sa peau, interdite. La seule odeur de son sang suffisait à exciter mes papilles, à me rendre frémissante. Mais qu’étais-je en train de faire ? J’avais de plus en plus de mal à garder les idées claires, à me contrôler. Cette sensation de faim… elle prenait le pas sur… tout.

Minarie me questionna du regard. Je secouai la tête, sortant de ma torpeur et la repoussai fermement.

- Natasha ?

Il y avait tant de confusion dans sa voix…

- Tu dois partir… (soufflai-je.)

- Pas sans toi !

Je déglutis.

- Si… Il le faut !

Elle attrapa mes bras, plongea son regard dans le mien et je pu mesurer toute la peine que mes mots lui infligeaient.

- Je ne partirai pas sans toi, Natasha ! Je ne veux pas te perdre aussi…

La voir ainsi faisait saigner mon cœur. Moi non plus, je ne voulais pas la perdre… Mais… Je pris une inspiration, me forçai au calme, affichant un visage aussi fermé que possible.

- Si tu restes avec moi… Tu vas mourir.

Elle me dévisagea avec angoisse, incompréhension. Comment pouvait-elle comprendre ?

- Et vivre sans toi, c’est aussi mourir. (me dit-elle.)

- Minarie, je t’en prie…

Elle secoua vivement la tête, ravalant les larmes qui pointaient dans ses yeux.

- Non ! Arrête ! On va s’en sortir ! Ensemble !

L’odeur de son sang continuait de titiller mes narines, de me faire saliver. Sa voix me parvenait toujours de plus loin, comme un écho…

- Minarie, pitié… Je n’ai plus la force…

- Alors appuies-toi sur moi ! Laisse-moi être ta béquille !

Elle attrapa mon bras, le passa en travers de ses épaules et me força à me remettre debout.

- Non… tu dois partir…

Minarie ignora mes avertissements, m’entraîna avec elle dans les couloirs effondrés, faisant fi de sa propre faiblesse. Je luttais à chaque seconde pour ignorer le sang qui coulait sur son visage, se répandait sur mon épaule et dont l’odeur n’avait de cesse de me faire tourner la tête. Mon estomac grognait, hurlait ! Et ma résilience n’avait de cesse de s’émousser, de fondre à mesure que mes forces me quittaient, que le besoin parasitait mes pensées.

- Pitié, Minarie… va-t-en…

Une brise fraîche souffla dans le corridor.

- On y est presque, chérie ! Tiens-bon !

Dans un dernier effort, je m’affalai de tout mon poids, laissant mes jambes raides pour l’obliger à me lâcher. Minarie trébucha et je me retrouvais à terre. Elle revint vers moi et je tentai à nouveau de la repousser, à bout de force.

- Natasha, je t’en prie, ne m’abandonne pas !

- Pars !

Ses mains encadrèrent mon visage, me forcèrent à la regarder dans les yeux.

- On y est presque ! Je t’interdis de lâcher maintenant, tu m’entends ?!

Elle hocha la tête d’un air entendu et je déglutis. Puis, elle tourna la tête. Son sang envahit alors mon champ de vision, son odeur inonda mes narines. Mon cœur se mit à battre plus fort. Je me léchais les lèvres, fébrile. Mon estomac se tordit, gronda avec plus de force. Je sentis mes dents grandir dans ma bouche, m’empêchant de la refermer.

- On va y arriver, Natasha ! Ensemble ! Minarie me parlait. Mais je n’entendais plus sa voix. Je ne percevais que ses veines qui palpitaient, son sang qui y coulait, qui m’attirait, m’appelait. Ma main s’anima, comme mue par sa propre volonté et se plaqua sur son cou cependant que je m’avançai pour me coller à elle. Minarie se raidit légèrement mais ma prise l’empêchait de s’écarter. Je posai ma bouche au creux de son cou. Le liquide écarlate imprégna mes lèvres, m’arracha un premier frisson des plus… plaisant. Alors ma langue y goûta à son tour. Je poussai un soupir d’extase, enivrée, subjuguée par ce divin nectar. Je n’avais jamais rien goûté d’aussi rafraîchissant, d’aussi délicieux… Je le lapai avec appétit, avidité ! Mais ce n’était pas assez pour étancher ma soif ! Mes babines se retroussèrent, un feulement retentit… Et mes crocs se plantèrent dans son cou ! Minarie poussa un cri, de surprise, de douleur.

- Natasha !

Elle se débattit pour essayer de m’échapper. Mais ma prise était ferme, solide. Elle ne lui laissait aucune marge et me donnait plein accès à son cou, à son sang qui remplissait ma bouche, s’écoulait dans ma gorge. C’était si délicieux… Il m’en fallait plus ! PLUS ! Je pressai davantage mon corps contre le sien, enfonçai plus encore mes crocs, aspirai avec plus de force ! Je voulais me repaître de ce nectar, en boire la moindre goutte ! Des vagues de plaisir traversaient mon corps, me gratifiaient. Mes forces me revenaient et je continuais de la serrer contre moi, toujours plus fort. Des craquements retentirent, mais je n’en tins pas compte, pas plus que de la faible voix qui résonnait quelque part à l’orée de ma conscience, qui m’appelait, me suppliait.

- Natasha… Pitié… Nat… asha…

Le sang était chaud, juteux, gorgé d’arôme, de fragrance, de vie ! Il était le plus divin des mets et je m’en repaissais, m’abandonnais pleinement à cette soif dévorante ! Des craquements retentirent. Et la source en vint à se tarir. Je relâchai alors ce corps desséché, brisé, sans vie, sans chaleur et me redressai avec un rugissement puissant, prédateur ! Avant… l’horreur. »




 

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