Vous l'attendiez, tremblants derrière vos écrans ! Vous étiez fébriles, dans l'angoisse que la suite ne vienne jamais ? Les messages, reçus par dizaines, pff, que dis-je, par centaines, suppliant la mise en ligne de la suite de cette merveilleuse histoire m'ont ému ! (C'est pas vrai.)
...
...
Les messages hein... Parce que, je... j'ai rien reçu...
Hm... bref ! Que vous le vouliez, ou non, ça n'a au trou du cul-ne importance ! (Non, j'ai pas honte !) A vos mirettes, pour la suite de l'aventure.
Le chapitre 4 de l'aventure de ma magnifique (ouais, je me fais pas chier) voleuse !
Chapitre 4 : Le Destin des Aube-Glorieuse.
Jungle de Tanaan, 15 années après le fléau.
La citadelle se dressait face à eux, symbole démesuré de la grandeur, de la puissance, de la décadence et de la folie des orcs corrompus, aux ordres de leurs sombres maîtres de la Légion. L'avancée dans la Jungle ne s'était pas faites sans difficulté, néanmoins, aucune perte n'était à déplorer. Du moins parmi les siens. L'elfe sentait poindre un mince espoir, celui de mettre un terme aux ténèbres qui s'était abattue sur ce monde. Peut-être pourraient-ils tous rentrer chez eux. Peut-être pouvait-elle les mener à la victoire...
Un cri s'éleva dans la jungle, bientôt suivi d'un autre, puis d'un autre. Il fut reprit, encore et encore, s'amplifiant au fil des secondes cependant que la terre commençait à trembler. Les portes de la Citadelle s'ouvrirent, vomissant une marée d'orcs beuglant. La première vague vint se heurter aux boucliers des forces alliées. Horde, Alliance... Un front désuni, mais commun. Les premières lignes cédèrent sous la puissance de l'impact et les orcs en profitèrent pour pourfendre leurs ennemis à terre. Ils hurlaient leur haine en démembrant les soldats au sol, envoyant du sang et du métal dans toutes les directions. Un plaisir manifeste et malsain se lisait dans leur regard. Un sourire horrible, carnassier, s'afficha sur leur faciès... Et se liquéfia quand la seconde ligne les repoussa. Il n'y avait nulle peur, nulle hésitation parmi les alliés. Seulement une volonté implacable. Les épées tranchaient les chairs, les boucliers encaissaient les assauts, les sortilèges dansaient dans les airs. L'odeur de la chair brûlée s'éleva, ainsi que celui de l'air ionisé, soumit à la magie chaotique des arcanes. La seconde vague orque s'avança dans l'espoir de reproduire la réussite de la première. Mais les forces alliées tinrent bon. Et avancèrent. Les canons crachaient leurs projectiles à l'assaut de l'immense porte. Le métal hurlait sous la pluie de munitions qui ricochaient contre lui, non sans entamer son intégrité. Il ne fallut que quelques minutes pour percer les défenses. Les orcs étaient à terre et les rares survivants furent achevés. La citadelle était désormais ouverte et sa gueule, sombre, libérait un nuage d'énergie noirâtre, mettant quiconque au défi de s'y aventurer.
- ça a commencé. (Déclara une voix bourrue dans le dos de la jeune elfe.)
Mirlina opina, plus pour elle même que pour lui, son regard rivé sur la citadelle où les forces alliées s'engouffraient par petit nombre. La trêve n'était pas oubliée, mais l'alliance, oui. Chacun irait de son côté désormais.
- Qu'est-ce qu'on attend ? (S'enquit une voix coléreuse à sa gauche.)
Mais elle ne répondit pas, scrutant toujours le métal noir, le visage plissé. Finalement, elle leva la main, indiquant un point sur la gauche de l'édifice. Une bouche d'aération.
- Nous passerons par là. (Déclara-t-elle d'une voix pleine d'autorité.)
Quelques plaintes s'élevèrent, guère plus que des gémissements. Plus pour le principe qu'autre chose... Et la troupe se mit en marche.
- Une fois qu'on en aura finie, je propose un banquet ! Danseuses, alcools, musiques, tout ! (Lâcha quelqu'un d'un ton jovial.)
Mirlina esquissa un sourire sans joie, les paroles de son amie lui revenant.
"- Tu n'as jamais eu l'intention de revenir de ce périple..."
L'assassin s'était tue. Qu'aurait-elle pu dire ? Une part d'elle acceptait cette idée. Un an auparavant, Obscurantis n'était plus qu'une ombre dans sa mémoire, un vestige de ce qu'elle avait tenté d'accomplir. Elle s'était retirée de tout... Dépérissant jour après jour. La nourriture n'avait plus eut qu'un goût de cendre. Elle n'avait pas sourit une seule fois durant son exil volontaire... Et le tauren était venu la chercher.
Pour que je meure, ici.
Elle avait reformé Obscurantis pour traverser la porte. Pour se sentir de nouveau vivante... Mais au fond d'elle, elle avait toujours pensé que ce serait un aller simple. Oh, bien sûr, pas consciemment...
Mirlina était encore une enfant aux yeux des siens. Pourtant, elle se savait posséder plus d'expérience que beaucoup. Avoir vu son lot d'horreur, avoir mené de nombreux combats... Le temps passant, la lassitude la gagnait, la consumait. Les années se suivaient et finissaient par se ressembler. Chaque menace vaincue laissait place à une nouvelle, apportant avec elle son lot de défis, de douleurs, et de morts. Combien de camarades avait-elle perdue dans cette lutte insensée face à des ténèbres toujours plus oppressantes et puissantes ? Chaque fois, elle accusait le choc, elle se relevait et faisait front. Ses camarades... Ses amis, la soutenaient. Ils croyaient en elle.
Et moi, en quoi je crois ?
"- Je refuse de trembler de peur face à la mort, Lühanne. Je garderai la tête haute. Je l'affronterai. Et si je dois mourir au combat, qu'il en soit ainsi.
- Rien ne compte pour toi ?
- Tu sais bien que c'est faux.
- Au contraire. Tu n'as plus de but. Si demain, Azeroth était sauvée... Que ferais-tu ?
La voleuse ouvrit la bouche pour la refermer. Un soupir s'échappa de ses lèvres et elle ferma les yeux, la mine défaite.
- Tu vois ? (Poursuivit la druidesse, en larmes.) Tu n'as aucun but."
C'était vrai... Elle ne pouvait pas imaginer de vie après tout ça. Elle ne pouvait rien voir d'autre qu'un océan de ténèbres.
Si je survis... Si je survis...
Elle ouvrit et referma la bouche, chassant les larmes qui menaçaient de s'emparer d'elle. Elle devait rester forte, concentrée.
Si je survis... Je le ferais, mon amie...
Une larme échappa à sa tentative et se libéra, roula sur sa joue.
Je le ferais...
"La druidesse s'avança et dépassa son amie pour se mettre devant la fenêtre, laissant son regard courir dehors.
- Promets-moi une chose...
- Ce que tu veux.
- Tu connais les plans de bataille... Tu vas préparer ton assaut... Promets-moi que si tu survis... Tu seras enfin honnête avec toi même.
L'assassin n'avait rien répondu, ses yeux emplis de larmes fixant la chevelure violette de l'elfe. Et la druidesse s'était retournée pour lui faire face.
- Promets-le moi.
- Je... (Elle déglutit.) C'est un adieu ?
- Non... Bien sûr que non. Tu sais toute l'affection que je te porte... Mais... Je vais avoir du temps à rattraper, je crois... (Elle s'humecta les lèvres.) Je veux être sûre que ça va aller.
Mirlina lui offrit un sourire penaud.
- Je t'ai abandonnée... Et tu continues de veiller sur moi...
Lühanne s'approcha et déposa un baiser sur ses lèvres. Son front se colla à celui de la voleuse durant une longue seconde.
- Si je ne le fais pas, qui le fera ? (Murmura-t-elle.)
Son doigt glissa sur la lèvre de l'elfe. Elle lui offrit un sourire avant de s'éloigner, sans attendre de réponse. La druidesse enjamba le rebord de la fenêtre et s'arrêta.
- Promets-moi que tu te mettras à sa recherche.
- ça ne m'a jamais réussi.
La druidesse dodelina de la tête, amusée.
- C'est aussi vieux que le monde, ma chère. Le meilleur comme le pire.
Mirlina esquissa un petit sourire.
- J'essayerai...
- Ne fonce pas tête baissée. Sois prudente. (Elle passa ses jambes de l'autre côté du rebord.) Oh, et ça vaut aussi pour tes prochains combats. (Lâcha-t-elle avec ironie.)
Mirlina laissa échapper une brève exclamation de joie, les yeux rivés sur son amie. Celle-ci lui offrit un clin d'oeil avant de sauter dans le vide. Moins d'une seconde plus tard, un corbeau gracile s'élevait dans le ciel, battant des ailes et croassant gaiement. Mirlina resta immobile jusqu'à ce que la druidesse disparaisse à l'horizon. Alors seulement elle se détourna pour faire face à sa table de commandement, observant les dessins que sa compagne avait fait."
- Bah alors, c'est pas le moment de chialer ! (Lui lança une voix bourrue.)
Mirlina essuya la larme du revers de la main et offrit un sourire amusé à sa camarade.
- C'est vrai. Laissons ça pour nos ennemis.
Lune d'Argent, après le fléau...
Combien de temps s'était écoulé ? Une journée ? Une semaine ? Un mois ? Elle ne savait plus très bien... La corruption du puits l'avait plongée dans une profonde léthargie. S'en était suivie une douleur, affreuse, lancinante. Elle était remontée le long dans son corps pour finalement exploser dans son crâne, la mettant à genoux. Une minute. Une heure. Une journée... Le temps n'avait plus d'importance, plus de frontière. La léthargie s'était peu à peu emparée du reste de son peuple. Les elfes étaient sur le déclin, pratiquement anéantis par le fléau. Le puits était une drogue dont ils étaient tous dépendants... Dont ils étaient tous en manque. La créature dansait dans l'air face à elle, se mouvant avec une facilité, une grâce, presque hypnotique. Mirlina l'observait depuis de longues heures déjà, sans oser la toucher.
" - Tu dois retrouver ton lien avec la magie ! (Avait tonné son père.) Peu importe le coût ou les moyens !"
Un wyrm de mana... C'était ainsi que se nommait la créature qui flottait dans sa chambre. Le prince était revenu pour découvrir un royaume ravagé, un peuple anéanti. Dans l'espoir de lui faire relever la tête, il avait mené une expédition pour détruire le puits. Et leur avait donné un nouveau nom, délaissant celui des Quel'Dorei pour celui, plus agressif, des Sin'Dorei. Puis, il était parti pour un autre monde disait-on. Une autre terre... L'un de ses fidèle était revenu. Un seul. Avec de quoi palier le manque. Désormais, des cristaux aux émanations verdâtres polluaient les rues en reconstruction de la cité. L'air était saturé en énergie sombre, à l'odeur écoeurante. Mirlina inclina la tête sur le côté, imitant le wyrm qui laissa échapper un sifflement bas.
La ponction...
Le mot lui même la fit trembler.
" - Cette bête est pour toi.
- Et que devrais-je en faire, père ?
Il l'avait toisé d'un air méprisant.
- Dévore là ! Ponctionne là !"
Elle frémit. Sa main se leva, tremblante, s'approchant lentement de la tête de la créature. Celle-ci s'approcha et gratta sa tête contre les doigts de la jeune Duchesse avant d'enrouler son corps autour de son poignet. Elle semblait apprécier le contact de l'elfe, les caresses qu'elle lui prodiguait. Mirlina la gratouilla avec douceur quand la porte s'ouvrit à la volée. Le wyrm piailla d'angoisse et se précipita dans un coin de la chambre. Telderis se tenait dans l'encadrement de la porte, jetant un regard mauvais à sa fille. Ses yeux perdaient de leur éclat bleuté jour après jour. Une lueur étrange dansaient dans ses prunelles, comme une étincelle de folie.
- Alors ?! (Aboya-t-il.) Tu te décides ?
Mirlina ouvrit une bouche tremblante, dévisageant son père avec une frayeur qu'elle ne parvenait à dissimuler.
- Je... Je...
Il laissa échapper un grondement et se précipita dans la chambre avant de se jeter sur la créature. Sa main se referma sur le wyrm et l'autre se tendit au dessus de sa tête. La créature glapit et se débattit, mais Telderis la tenait fermement. L'animal commença à luire, de même que les doigts de l'elfe. Une boule se forma progressivement dans sa main tandis que l'essence du wyrm quittait son corps, aspirée. La créature poussa de nouveaux geignements avant de disparaître. La petit boule dansait dans la main de Telderis. Il hésita un instant, dévisageant sa fille qui n'avait pas bougée, paralysée par l'horreur. Il referma alors le poing et l'énergie s'infiltra dans sa paume. Un soupir de contentement s'échappa de ses lèvres. Ses yeux luirent d'un éclat plus prononcé l'espace d'une seconde. Il toisa ensuite Mirlina avec pitié.
- Incapable... (Marmonna-t-il en quittant la pièce.)
Mirlina sursauta quand la porte de sa chambre claqua. Des larmes roulèrent sur ses joues puis elle éclata en sanglot et s'accrocha à son édredon, avec désespoir.
C'est une elfe titubante qui pénétra dans ce qui fut autrefois la cour dorée et entretenue des Aube-Glorieuse. Là où de magnifiques buissons s'étaient dressés, ne subsistaient désormais que des rameaux morts. Des déchets et pièces de tissu jonchaient l'herbe desséchées. Un elfe dormait là, livide, amaigri... Mirlina se força à mettre un pas devant l'autre. La douleur lui déchirait la poitrine. Des frissons secouaient son corps en sueur. Les couleurs dansaient et se mêlaient devant ses yeux. Chaque pas était plus douloureux que le précédent, chaque inspiration plus laborieuse. Ses jambes cédèrent sur la première marche du perron et ses mains s'abattirent contre le battant. Elle s'écroula au sol, haletante. Le mendiant émergea de son sommeil en maugréant. Il se redressa maladroitement et plissa ses yeux jaunis en direction de la jeune elfe. Lentement, prudemment, il se remit sur ses pieds et s'approcha d'elle, jetant des regards anxieux alentours. Ses dents étaient déchaussées, ses habits déchirés, sa peau couverte de plaies. Il tendit une main vers la jeune Duchesse, caressa son visage brûlant... Sa langue sortit de sa bouche, pourléchant ses lèvres explosées et sèches. Ses doigts se crispèrent au dessus de la tête de l'adolescente. Il laissa échapper un vague gémissement né de l'effort. L'air commença doucement à onduler. Le corps de la jeune femme se teinta de bleu et elle laissa échapper un râle de douleur. L'elfe ricana et leva la tête, les yeux papillonnant. Des tremblements secouèrent son corps, extase de plaisir. Il soupira quand la porte s'ouvrit soudain. Le mendiant tomba à la renverse, surprit. Dans l'encadrement se tenait Betany Aube-Glorieuse. La Duchesse toisait l'homme à ses pieds avec une colère et un mépris palpable. En posant son regard sur la jeune femme qui gisait au sol, son visage se décomposa. Elle laissa échapper un cri de terreur. Le mendiant se redressa et s'enfuit à toute jambes sous les hurlements de Betany.
- Mirlina ! Réveille-toi.... Mirlina ! (Hurla-t-elle, désespérée.)
Elle tomba à genoux, la terreur dansant dans ses yeux ternes. Elle prit l'enfant dans ses bras, posa une main sur son front. La jeune fille tremblait, frissonnait, de la sueur inondant son corps brûlant. Sa respiration était saccadée, chaotique, et ses yeux s'agitaient sous ses paupières closes. Betany fit courir ses doigts sur ceux de sa fille, enserrant sa main dans la sienne. Le tissu qui recouvrait ses poignets glissa, dévoilant d'horribles plaques rouges.
L'elfe quitta la pièce, refermant la porte silencieusement, avant d'offrir un regard grave au couple qui attendait dans le couloir.
- Alors ? C'est grave ? (S'enquit Betany d'une voix angoissée.)
L'homme se pinça les lèvres et prit un instant pour bien choisir ses mots.
- Elle s'en remettra. Cela dit...
Il se tut, hésitant et Telderis explosa.
- Vous allez nous le dire, oui ?!
L'elfe laissa échapper un soupir.
- Ces marques sont le signe caractéristique d'une allergie. Manifestement due aux cristaux qu'elle a ponctionné.
Le Duc fronça le nez.
- Qu'entendez-vous par là ?
La langue de l'homme glissa sur ses lèvres quelque peu sèches, la nervosité habitant ses yeux.
- Il n'est pas impossible qu'elle ne supporte pas la magie qu'ils renferment. Comment s'est passée la perte du puits ?
Les yeux plissés, Telderis étudia l'homme avec méfiance.
- Mal. (Finit-il par dire.) Très mal.
L'intéressé opina.
- Oui, je m'en doutais... Et la magie ?
- Plus rien... (Souffla la Duchesse.)
- Hm hm.
Le docteur fit volte-face sans rien ajouter et retourna dans la chambre, fermant la porte derrière lui. Le couple garda les yeux rivés sur la porte de longues secondes durant, sans faire le moindre geste, sans prononcer le moindre mot, comme hypnotisé. Betany se tourna finalement vers son mari.
- Telderis... Nous avons failli la perdre... Notre enfant... (Lâcha-t-elle avec désespoir et peine, les larmes aux yeux.)
Son mari ne répondit pas, le regard toujours fixé sur la porte, le visage impassible.
- Ce mendiant allait...
Elle ne termina pas sa phrase.
- Oui... (Répondit-il après un long moment, sans émotion.) Il allait la ponctionner.
Il se détourna et s'éloigna dans le couloir.
- La ponctionner... (Continua-t-il, songeur.)
Mirlina garda le lit durant cinq jours. Cinq jours durant lesquels son pronostic vital fut engagé. La fièvre ne tomba qu'au matin du quatrième. Sa mère lui rendit visite les trois premiers jours avant de ne plus aller à son chevet. A son réveil, son père était là. C'était son unique visite. Il ne la regarda pas, lui tournant le dos. La jeune fille se redressa, maladroitement.
- Père ?... (Soupira-t-elle, la gorge pâteuse.)
- Te voilà réveillée. (Déclara-t-il sans émotion, ni même se retourner.)
- J'ai dormi... Longtemps ?
- Cinq jours.
Elle ouvrit et referma la bouche, peinant à trouver ses mots, quelque peu honteuse.
- Tu n'as pas idée de ce que ça nous a coûté. (Poursuivit-il d'une voix froide.)
- Je suis... Navrée, Père... (Parvint-elle à articuler.)
Son dos était douloureux. Une grimace tordit ses lèvres et un gémissement s'en échappa quand elle essaya de se repositionner. Telderis fit claquer sa langue avec irritation.
- Plus de magie, hein ?
Elle fixa son dos, n'osant répondre durant de longues secondes.
- A ce qu'il semblerait.
Sa voix n'était guère plus qu'un murmure. Il laissa échapper un soupir et se dirigea vers la porte qu'il ouvrit, sans accorder un regard à sa fille.
- Père, je...
- Nous t'attendons en bas. Maintenant.
Et il quitta la pièce, laissant sa fille seule, interdite et tremblante.
Une minute s'écoula, puis deux, puis cinq, et Mirlina demeura immobile, le regard fixé sur la poignée de la porte. Lentement, sans réellement s'en rendre compte, elle fit glisser l'édredon de son corps et s'assit sur le rebord du lit. Le sol était glacé sous ses pieds. Elle déglutit et se leva, maladroite. Ses jambes, tremblantes, manquèrent céder sous son poids et elle se rattrapa à sa table de chevet, envoyant valdinguer les cristaux et seringues qui se trouvaient dessus. Mirlina recula précipitamment et tomba sur son lit, le visage livide. Après une longue hésitation, elle jeta un coup d'oeil aux objets éparpillés au sol. Les seringues étaient toutes vides à l'exception d'une seule, contenant un liquide semi transparent et laiteux. La jeune fille la porta devant son visage. Son regard glissa sur son avant bras. Des rougeurs étaient visibles parmi de nombreuses traces de piqûres. Elle observa ensuite les cristaux. Ils étaient tous ternes, fissurés. Des larmes noyèrent ses yeux. Elle ne se souvenait de rien. Avait-elle... Elle renifla et la voix de son père s'éleva, forte, impérieuse. L'elfe sursauta et laissa tomber la seringue. Elle se moucha et essuya ses larmes, inspira pour reprendre un peu de contenance et sortit de la chambre.
Chaque chose en son temps... Avance...
Elle s'engagea dans l'escalier d'une démarche raide et maladroite. Sa main agrippa fermement la rambarde, luttant contre la faiblesse qui dominait son corps, la douleur qui l'étreignait. Elle descendit prudemment, les genoux tremblants, et rejoignit le salon où se trouvaient ses parents. Sa mère était installée dans le canapé et son père lui tournait le dos, les yeux rivés à travers la grande fenêtre qui donnait sur la cour. Quelques sans abris s'y trouvaient, somnolant parmi les fourrés.
- Mère... (Fit Mirlina, avec un sourire.)
Elle s'avança au devant de la femme qui détourna le regard, la tête haute, le visage fermé. La jeune Duchesse tomba à genoux devant elle.
- Mère ? Qu'est-ce qui ne va pas ?
- Que comptes-tu faire, Mirlina ? (S'enquit Telderis d'une voix froide.)
La jeune fille essaya quelques secondes encore de capter le regard de sa mère avant de finalement abandonner et se tourner vers son père, qui lui tournait toujours le dos.
- Faire ?... (Répéta-t-elle, incertaine.)
Telderis se retourna, la toisant d'un regard mauvais. Son visage était émacié et grisâtre. Un éclat malsain, froid, luisait au fond de ses prunelles ternes.
- Plus de magie. Tu crois que nous allons accepter cela ?!
- Mais, père... Je...
Il leva une main, impérieuse et sa voix s'éleva de nouveau, plus forte, au point de faire sursauter Betany.
- Les Aube-Glorieuse sont des mages ! C'est là notre gloire, notre héritage ! Sans magie, comment pourrais-tu prétendre être de notre famille ?!
Des larmes dansèrent dans les yeux de la jeune fille, qui regarda son père, puis sa mère, en quête de soutien.
- Sans magie, tu n'es rien. Tu ne vaux rien. Sans magie, tu n'es pas une Aube-Glorieuse.
Mirlina dévisagea son père avec horreur et des sanglots secouèrent peu à peu son corps à mesure qu'elle comprenait le sens de ses paroles.
- N... Non... Vo... (Sanglota-t-elle, incapable de terminer sa phrase.)
Elle tourna son regard vers sa mère, suppliante mais celle-ci refusait toujours de la regarder, fixant un point invisible au plafond.
- M... Mère...
L'intéressée tourna finalement la tête, posant son regard sur Mirlina. Ses yeux rougis la dévisagèrent longuement, avec incertitude. Elle se tourna vers son mari et celui-ci plissa les yeux, affichant un air cruel. Elle regarda de nouveau Mirlina et ouvrit la bouche, les lèvres quelque peu tremblantes.
- Tu n'es plus notre fille. (Déclara-t-elle d'une voix incertaine.)
- Mère, je vous en prie...
Elle regarda une fois de plus son mari avant de revenir à sa fille, lui adressant un regard sombre.
- Tu n'es plus notre fille. (Répéta-t-elle avec plus de conviction.)
Mirlina ne trouva pas la force de supplier, la bouche entrouverte, en larmes. La voix de son père lui parvint avec difficulté, comme occulté par un voile.
- Sors d'ici. (Fit-il.) Tu m'entends ?! Dégage !
Sa voix retentit dans le salon durant de longues secondes. Mirlina sursauta quand il aboya une nouvelle fois. Lentement, elle se leva, tremblante. Son regard essaya de capter une dernière fois celui de sa mère, mais celle-ci ne semblait plus la voir. Elle leva les yeux vers son père qui la toisait d'un air féroce, l'éclat au fond de ses prunelles avait gagné en intensité et la folie brillait dans ses yeux. Elle ressentit un frisson de peur secouer son corps. La jeune fille fit volte face et quitta la maison, courant à en perdre haleine, durant ce qui lui sembla être des heures.
Deux mois plus tard...
L'elfe déambulait dans les rues de la cité, jetant des regards alerte autour d'elle. Quelques semaines seulement avaient suffit à la métamorphoser. Ses cheveux étaient gras, sales, son visage recouvert de crasse et ses vêtements guère plus que des haillons. Sa démarche aussi avait changé, délaissant les déhanchements provocateurs pour les pas rapides et silencieux qui convenaient à son nouveau mode de vie. Elle avait appris la dure loi de la rue, la douleur de la solitude, du froid, le besoin de voler pour survivre. Les premiers jours avaient été particulièrement difficile, éprouvant. Elle n'avait que des souvenirs épars, affaiblie par les pleurs, tiraillée par la faim. Seule, abandonnée, elle avait dû se résigner à accepter la dure réalité, la triste vérité : S'adapter ou mourir. Son regard agrippa un passant. Ses pieds glissèrent sur le sol tandis qu'elle changeait de direction, s'alignant sur sa cible. Elle pressa quelque peu l'allure et eut tôt fait de rattraper le jeune elfe. Celui-ci ne se rendit compte de rien. Prenant bien soin de conserver le bras plaqué contre son corps, elle tordit le poignet, les doigts tendus. La bourse du malheureux était à portée de main, elle n'avait plus qu'un pas à franchir. L'homme tourna la tête et elle se décala, la tête tournée vers un animal errant qu'elle feignit d'observer avec intérêt, l'air hagard. L'inconnu ne la remarqua même pas et quitta la route pour entrer dans une boutique. Mirlina inspira avec lassitude et patienta, se dissimulant sous le perron. Il s'écoula moins de cinq minutes avant que sa cible ne réapparaisse et reprenne sa route. Elle en fit de même avec sa filature. La jeune femme n'était pas devenue une voleuse aguerrie, loin s'en faut. Mais les quelques semaines passées dans la rue lui avaient suffit à comprendre les bases. Son premier larcin, une catastrophe, était bien loin. Elle était passée devant un étal de fruit. Des pommes, brillantes, avaient capté son attention. La faim s'était rappelée à elle de la façon la plus simple possible : Un long grognement accompagnée de l'habituelle douleur née d'un estomac vide. Elle s'était rapprochée de la table, profitant d'un moment d'inattention du marchand. Un coup d'oeil à celui-ci et sa main avait jailli pour se saisir d'un fruit ! Une canne s'était alors abattue sur ses doigts, lui faisant lâcher l'objet de son larcin et lui arrachant un cri. La douleur s'était répandu dans ses phalanges qui avaient viré au rouge.
- Pas touche, vagabond ! (Avait aboyé le garde avant de la saisir par le haut de sa tunique.) Tu as volé ça à qui ?
- C'est à moi ! (S'était-elle défendue.)
- Bah voyons. Tu sais quoi ? Je m'en fiche. Mais si je te reprend à voler, je te couperais les mains ! Tu m'as bien compris ?
Pour appuyer sa menace, il l'avait secoué et avait montré son arme. Mirlina n'avait pu qu'acquiescer.
- Maintenant, dégage !
Et il l'avait jeté sans ménagement. Elle s'était étalée au sol, s'y était recroquevillée, humiliée. Mais les choses étaient désormais bien différentes. Ses doigts se saisirent de la bourse, sur laquelle elle tira faiblement. Juste de quoi délier légèrement la corde qui la retenait à la ceinture. Une autre impulsion, et le sac était à elle. La jeune fille ralentit puis changea de direction d'un air nonchalant. Voler... Autrefois, cet acte était pour elle la plus grande des bassesses. Aujourd'hui, elle n'avait pas d'autre choix pour survivre.
Ses pas la menèrent sur la place du bazar. Les marchands braillaient, les produits laissés au regard du chaland sur leurs étals. Il y avait de tout : Fruits, Viandes, Vêtements, Livres, Cristaux, etc. Mirlina saliva en passant devant la nourriture. Il était temps de découvrir ce que contenait la bourse. Elle s'installa sur un perron à l'écart et défit la lanière. Nulle pièce d'or, mais une simple pierre. L'elfe poussa un juron et la jeta. Le cailloux se brisa contre les dalles recouvrant le sol. Elle soupira et se prit la tête entre les mains. Son ventre gargouilla fortement et elle grimaça.
- En voilà une belle pierre. (Lâcha une voix.)
Mirlina releva les yeux pour croiser ceux d'un homme, qui souriait. Il tenait à la main un morceau de la pierre brisée. L'éclat du soleil se refléta dans les gemmes qu'elle contenait.
- Topaze. (Ajouta-t-il, amusé.)
Il lança la pierre et Mirlina la rattrapa au vol. Ses yeux se posèrent sur les gemmes qu'elle admira, sans voix.
- Evitez de laisser traîner ça n'importe où.
Il inclina la tête et reparti sans un mot.
- Merci ! (Dit finalement Mirlina.)
Trop tard. L'homme était déjà loin. La jeune fille se hâta de récupérer les morceaux de la pierre et parti en courant. Elle savait très bien où en obtenir un bon prix !
Moins de trente minutes plus tard, la jeune voleuse traversait une fois de plus le bazar, la bourse remplie. Elle s'arrêta devant l'étal des fruits et acheta, pour la première fois depuis ce qui lui sembla une éternité, sa nourriture.
- Vous avez entendu parler de la macabre découverte faite hier soir au manoir Aube-Glorieuse ? (Fit une voix sur sa droite.)
Mirlina se figea, la main tendue au dessus de celle du marchand. Avait-elle bien entendue ? Se pouvait-il... ?
- Vaguement. (Répliqua une voix de femme.)
- Le manoir est quadrillé par les gardes. Ce qu'ils ont découverts à l'intérieur... Un couple a été aperçu, fuyant la ville.
Mirlina laissa échapper un soupir muet. Qu'ont-ils découvert ?...
- Hey, vous payez ou vous rendez les fruits ! (S'impatienta le marchand.)
Mirlina cligna des yeux et laissa tomber les pièces dans sa main, marmonnant une vague
"Désolée", avant de s'éloigner de l'étal, l'oreille tendue.
- Pourquoi fuir ?
- Bah... Ils ont découvert des corps... De pauvres hères. Ponctionnés, vidés de toute vie.
La femme mit une main devant sa bouche.
- Déshérités ?
L'homme opina sombrement.
- J'espère qu'ils les attraperont !
- La perte de leur fille n'a pas du aider. Elle aussi serait devenue une déshéritée. Pauvre famille...
La femme haussa les épaules et le couple se sépara. La pomme que tenait Mirlina s'échappa de ses doigts devenus gourds pour tomber au sol avec un bruit mou. Elle recula en titubant, des larmes roulant sur ses joues, jusqu'à rencontrer un mur. Alors, elle se laissa glisser au sol et se laissa aller à sa tristesse. Car malgré tout ce qu'ils avaient pu faire... Ils restaient ses parents. Et elle venait de les perdre, à nouveau...