Bonjour amis lecteurs ! Un nouvel article fiction sur ma petite voleuse ! Quoi, ça faisait longtemps ? Et alors ? :p
On se retrouve du coup pour le chapitre 5, qui dévoile un peu plus le passé tumultueux de l'elfe. Un contrat qui la ramène à un évènement particulièrement difficile de sa vie. Attention aux âmes sensibles, ce chapitre contenant une scène de viol.
Vous êtes prévenus, c'est une lecture à vos risques et périls.
J'ai repris l'écriture de cette histoire et le chapitre 6 est en cours ! J'espère que ça vous plaira et pouvoir rattraper l'époque actuelle ! (L'histoire se situe un peu avant BC)
Bonne lecture !
Chapitre 5 : Contrat.
Forêt d'Elwynn, près de sept années après le Fléau.
C'était une nuit noire et sans lune, au ciel chargé de nuages menaçants. Il n'y avait nulle source de lumière, en dehors des flammes des torches et des lampadaires, qui ne repoussaient les ténèbres que de quelques pas. L'animal se cabra en passant sur le pont de bois dont les planches craquèrent. Le ruisseau venait de forcir, de même que le vent. Au loin, le tonnerre gronda pour la cinquième fois. L'elfe flatta l'encolure de sa monture, murmurant quelques mots à ses oreilles de sa voix chantante, penchée sur son dos.
- On y est presque... Ai confiance.
L'animal tapa du sabot avec nervosité et s’agita quelques secondes encore avant de se calmer. Une légère impulsion de sa maîtresse, et il se remit en route. L'elfe tint fermement la bride, resserrant sa cape autour de ses épaules, jetant des regards prudents autour d'elle. Elle pouvait apercevoir au loin les lumières de comté de l'or. D’après ses estimations, le village n’était plus qu’à un quart d’heure au trot. Mais là n'était pas sa destination.
Après une dizaine de minutes, elle quitta le sentier, s’engouffrant dans la forêt. Le vent sifflait entre les arbres, les branches claquaient contre les troncs. Les sabots du bai raclèrent contre la roche, contre les racines. L’elfe conduisait son destrier avec expertise, évitant les pièges naturels que l'obscurité rendaient particulièrement dangereux pour quiconque incapable de voir dans le noir, comme les humains. Mais sa vue était meilleure, plus affinée. A travers les rafales de vent, elle pouvait apercevoir la fumée qui s’échappait d’une cheminée à quelques mètres sur sa gauche. Le tonnerre gronda une nouvelle fois et les nuages déversèrent leurs larmes retenues. Le clapotis envahit la forêt, fort, assourdissant. Sa cape s’imbiba en quelques secondes à peine et il n’en fallut guère plus pour que ses vêtements ne suivent, collent à sa peau. L’elfe mena sa monture vers la ferme voisine et en fit le tour. Un feu brûlait dans l’âtre, à peine visible à travers les carreaux presque opaques. Un bruit sourd lui parvint de la grange. La cavalière fit volte-face et sa monture se cabra. L’orage hurlait désormais et le vent tordait les arbres. La jeune femme se rapprocha. Un cri retentit, suivi de craquements. La porte de la grange s’ouvrit soudain, emportant du foin dans son sillage. Un homme en sortit en jurant, ses mains levées devant le visage dans une tentative malhabile de se protéger du vent. Il fit quelques pas, referma tant bien que mal les portes qui se rouvrirent aussi sec. Il pesta et attrapa une planche de bois avant de se figer en croisant le regard de la cavalière. Il resta à la dévisager avec une méfiance à peine contenue. Celle-ci lui rendit son regard et resta hors de portée, prudente.
- Drôle de soirée pour une balade ! (Cria finalement l’homme.)
- J’ai été surprise par l’orage.
Il opina et se retourna pour barricader les portes. Puis, il s'avança vers elle, demeurant à bonne distance avant de prendre la direction de la ferme, sans jamais la quitter des yeux ni lui tourner le dos. Une barbe de trois jours mangeait son visage et d’imposantes cernes enfonçaient ses yeux. Ses habits étaient sales et déchirés. En lieu et place d'une salopette et d'une chemise, le fermier portait un pantalon de cuir qui avait dû être brun à une époque et un plastron en peau.
- Sauriez-vous où je peux loger pour la nuit ? (S’enquit-elle.)
L’homme la considéra d’un air méfiant.
- Vous, vous êtes pas d’ici, pas vrai ?
- Vrai.
- ça s’entend. Votre accent ! (Cria-t-il pour se faire entendre malgré le vent.) Il y a un village, à quelques lieux d’ici. Au nord.
Le cheval tapa du sabot et la cavalière caressa son encolure.
- Je crains de ne pas être la bienvenue au village.
- Ah oui ? Et pourquoi donc ?
L’elfe fit glisser sa capuche, révélant ses longues oreilles et ses yeux légèrement luminescents.
- Ah, une elfe… (Il se passa la langue sur les lèvres et la dévisagea avec plus d’intérêt, sa main grattant sa barbe.) Ouais, forcément…
Elle lui sourit.
- Bern m’a dit qu’ici, je trouverais un hôte accueillant. (Ajouta-t-elle.)
L’homme ouvrit la bouche, indécis avant d’ouvrir grand les bras avec un sourire.
- Bern ? Mais fallait le dire tout de suite ! Venez donc !
Il se dirigea vers la masure en lui faisant de grands signes pour l’inviter à la suivre.
- Je vais mettre mon cheval à l’abri dans la grange.
- Quoi ? Non ! (Il se racla la gorge. ) Pas de place. Et la porte... Vous allez pas y arriver. Mais, y'a un petit étal, derrière. Il sera bien.
L'elfe considéra son interlocuteur, plissant les yeux avec méfiance. Elle haussa finalement les épaules.
- Très bien. Je vais l'attacher.
L'homme acquiesça, les lèvres pincées et rentra dans la maison. Il lança un regard circulaire dans la pièce et retira sa veste qu'il jeta dans un coin. Une tâche de sang imprégna le sol en dessous des peaux.
- Alors, t'en as fini avec les viocs ? (S'enquit un homme à sa droite.)
- Ouais. Et on a une invitée !
L'autre haussa un sourcil.
- Une invitée ?
- Tu vas pas regretter, Marc ! Une Que... Une elfe ! Mince, mignonne...
- Bandante ?
- Bien sûr ! Baisable je dirais même !
Il laissa échapper un rire gras, reprit par son compère. Une minute s'écoula, puis deux et l'hilarité laissa place à la contrariété.
- Bordel, mais qu'est-ce qu'elle fout ?
- Vu ta tronche, tu lui as fait peur ! (Intervint un troisième larron.)
- Va te faire foutre, Jules !
L'intéressé leva les mains avec un ricanement.
- Calme. Je vais voir ce qu'elle fiche.
Et il prit le couloir pour quitter la maison. Il ne s'écoula pas trente secondes avant qu'un cri ne retentisse. Les deux hommes se précipitèrent à l'extérieur pour voir leur compère au sol, baignant dans une mare de sang, de nombreuses pointes de métal fichées dans le corps.
- Putain, c'est pas possible... (Siffla Marc avec angoisse.)
D'autres pointes étaient fichées dans l'embrasure de la porte mais également dans le sol, sur plusieurs mètres de distances. Le premier brigand se pencha pour ramasser un objet qui avait attiré son attention. En l'étudiant, il constata qu'il s'agissait d'un piège à pointe, vide.
- La salope !
Il jeta le piège avec rage et jeta des regards alentours. Sa main vint taper le bras de Marc.
- Ressaisis-toi ! Faut qu'on la trouve et qu'on la bute !
Un bruit retentit dans leur dos. Les deux assassins firent volte-face, les yeux rivés sur l'embrasure de la porte. Ils échangèrent un long regard entendu avant de s'avancer prudemment. La masure était plongée dans une pénombre totale. Les éclairs qui louvoyaient à l'extérieur illuminaient brièvement la pièce, ne dévoilant que des ombres angoissantes. Le chef s’approcha de la cheminée, jetant des regards de gauche et de droite en grognant. Assuré d’être seul, il se mit à genoux, sortit un briquet et un silex de sa bourse et entreprit de rallumer le feu. Marc, de son côté, demeura en retrait, anxieux.
- Dépêche… (Marmonna-t-il.)
- La ferme ! (Jura l’autre.)
Une étincelle jaillit du briquet et tomba sur les bûches encore chaude. L’homme se mit à souffler pour raviver le feu. L’âtre crépita follement et une flamme s’en échappa en hurlant, englobant le crâne de l’homme. Celui-ci cria et recula avant de s’étaler au sol, les mains sur le visage. Il se roula dans l'espoir d'éteindre les flammes qui ne firent que gagner en intensité. Ses hurlements sortirent Marc de sa léthargie. Celui-ci se précipita à l'aide de son compère, mais ce dernier se redressa et le repoussa, manquant le faire tomber avant de quitter la maison en titubant, hurlant. Après quelques pas, ses jambes se dérobèrent et il se retrouva à genoux dans la boue, le visage levé vers le ciel d'un noir d'ébène. La pluie éteignit les flammes en quelques secondes et apaisa momentanément ses brûlures. Il resta sans bouger, profitant de cet instant de calme pour reprendre son souffle. Son visage n'était plus qu'un amas de chair brûlées et craquelées. Un faible son parvint à ses oreilles, mais il ne se retourna pas, désireux de profiter encore un peu de la pluie, si fraîche sur ses plaies dont elle étouffait les douleurs. Après un long moment, il tourna la tête vers la masure.
- Marc ? (Appela-t-il, soudain inquiet.)
L’intéressé sortit d’un pas lent de la maison. L’homme laissa échapper un soupir de soulagement, qui se mua bien vite en un gémissement quand son compagnon tomba à genoux, les yeux exorbités et tremblants. Un gargouillis quitta ses lèvres tandis qu’il chutait en avant, s’étalant au sol. Le manche ouvragé d’une dague dépassait de son dos. L’homme recula en couinant, apeuré. Une main se posa sur la dague. Les yeux de l’humain remontèrent le bras pour rencontrer le regard froid de l’elfe. Celle-ci retira l’arme d’un mouvement sec, sans aucune émotion, puis s’avança d’un pas vers sa cible.
- Non, pitié… (Gargouilla le chef.)
Elle ne répondit rien et se plaça au dessus de lui. Ses genoux se posèrent sur ses bras, lui coupant toute possibilité de défense ou de retraite. Son visage et son cou lui étaient désormais totalement offerts. Sa dague scintilla dans sa main quand un éclair traversa le ciel, rendue luisante par la pluie qui continuait de tomber avec force. Le vent sifflait avec rage à leurs oreilles, pliant les arbres par sa seule force. Mais l’elfe était imperturbable.
- Je peux te donner tout ce que tu veux ! N’importe quoi ! (Gémit-il.)
Elle leva l’arme et il se débattit. Mais son corps était éreinté, affaibli par l’explosion. Et l’elfe était en pleine forme. Bien que légère, sa prise sur son corps était ferme et l'entravait complètement.
- Pourquoi ?! (Hurla-t-il, terrifié.) Pourquoi ?!
Elle se figea, le sondant de son regard impénétrable.
- Pourquoi ? (Fit-elle enfin de sa voix chantante, haussant un sourcil perplexe.) Pour de nombreuses raisons.
Elle amena la dague tout près de l’œil de l’humain, faisant danser la lame sur sa joue.
- Mais les énumérer ne servirait à rien.
- Ce n'est pas juste ! (Hurla-t-il, sa voix étouffée par un gargouillis.)
- La justice n'est qu'une chimère. (Siffla-t-elle d'une voix sans émotion.) Vos victimes, si elles étaient encore en vie, pourraient certainement en témoigner.
- Mais à toi, je t'ai rien fait !
- C'est vrai. (Admit-elle.) Je suis simplement baisable.
Il se débattit de plus belle, laissant échapper un cri de rage.
- Je vais te buter, pétasse !
Elle leva une fois de plus sa dague.
- J'en doute.
- Pas de justice ! (Cria-t-il.) Alors pourquoi tu fais ça, putain ?!
- Le contrat sur ta tête est une bonne motivation.
- Peu importe le prix, je le double ! Le triple !
- Non.
Et elle abattit sa lame.
L'assassin resta immobile de longues secondes durant, les mains agitées de tremblements. Son regard était plongé dans celui de sa victime, détaillant ses yeux vitreux tournés vers un ciel qu'il ne pouvait plus voir. Du sang roulait de sa blessure, se mélangeant à la pluie qui tombait toujours avec force, se diluant dans les flaques qui inondaient le sol. Elle se passa la langue sur les lèvres avec lenteur, presque hésitante. Le froid mordant de la pluie la ramena à la réalité du moment. Ses vêtements étaient totalement trempés, collés à sa peau. Elle arracha la dague du cadavre et se releva, inspirant avec dégoût. Puis, elle se tourna vers la maison. Ses yeux se posèrent sur les cadavres de deux autres bandits. Trois morts, aucune blessure.
Je m'améliore..., songea-t-elle.
Cette idée ne l'enthousiasmait pas. Des années plus tôt, lorsqu'elle avait entamée son initiation au sein de la ligue, elle avait été persuadée de ne jamais parvenir à en sortir vivante. D'être incapable de porter un coup fatal. Prendre la vie était désormais d'une simplicité écœurante pour elle.
Elle se détourna, repoussant ses pensées qui la mettaient mal à l'aise, et rejoignit son cheval.
- Viens mon beau, on va se mettre à l'abri.
Elle caressa le museau de la bête, murmura pour la mettre en confiance. L'orage rendait l'animal nerveux. Elle tira sur les rênes et l'entraîna vers la grange. Les portes s'ouvrirent brusquement sous la puissance du vent quand elle retira la barre qui les retenaient. De la paille s'éleva dans un tourbillon poussiéreux, traversant l'édifice. Ils s'engouffrèrent à l'intérieur et Mirlina referma tant bien que mal les lourdes portes puis les verrouilla. La grange était plongée dans la pénombre. Mais une lampe était accrochée au mur et l'elfe s'en empara avant de l'allumer. Une douce lueur réconfortante illumina faiblement la grange, chassant les ténèbres. Elle inspecta les lieux d'un rapide coup d'oeil avant d'amener son cheval dans un box libre. Elle le libéra de sa selle et de ses rênes et le brossa affectueusement. L'animal laissa échapper un hennissement de satisfaction. Elle lui tapota la cuisse et lui ramena à boire et à manger. L'animal mangea avec appétit. La voleuse reprit la lampe et fouilla la grange. La lumière oscillait au gré de ses pas, créant quelques ombres mouvantes au loin qui pouvaient s'avérer effrayantes. Elle s'en amusa, bougeant la lampe de manière exagérée pour créer des figures abominables. Cela lui permettait de ne pas penser à ce qu'elle allait trouver, à ce qu'elle savait dissimulé dans l'édifice. Elle découvrit, sans surprise mais néanmoins avec dégoût, que ses craintes étaient justifiées. Les corps étaient entassés là, au fond du troisième box, la paille rougie du sang des défunts. Leurs assassins les avaient dénudés et jetés là, comme de vulgaires déchets. Elle ferma les yeux et se détourna, écoeurée. Et la question s'imposa à elle, sans qu'elle ne puisse l'empêcher.
Et si j'étais arrivée plus tôt ? Aurais-je pu l'empêcher ?
Mais se torturer avec ça n'arrangeait rien. Le passé était le passé. La jeune femme soupira et se détourna en direction de l'entrée quand un son parvint à ses oreilles, à peine perceptible. L'assassin jeta un regard méfiant sur sa droite et perçut un mouvement dans l'obscurité. Elle déposa la lampe sur une poutre et dégaina lentement, silencieusement, sa lame qu'elle plaça dans son dos. Puis, après une inspiration, elle s'avança d'un pas léger et discret. Le bruissement d'une étoffe lui confirma une présence devant elle. Elle sentit les muscles de ses bras et de ses jambes se tendre et se détendre de manière régulière. Son coeur accélérait subtilement ses battements pour amener le sang plus vite dans son organisme. Son esprit était vif et alerte. Tout son corps se préparait pour une autre bataille qu'elle sentait proche. L'elfe se pencha et attrapa le tissu qui dépassait du foin pour le tirer d'un coup sec, sa dague prête à frapper. Un cri retentit pendant une seconde qui sembla s'étirer à l'infini. Mirlina se figea, les yeux écarquillés, haletante. Elle recula d'un pas et laissa l'étoffe glisser entre ses doigts. Sous ses yeux, une jeune humaine se recroquevillait de peur, ses pieds poussant le sol jusqu'à s'en faire saigner pour coller le fond du box. Elle était entièrement nue. L'assassin la dévisagea un instant, en quête du moindre signe de traîtrise. Mais son instinct lui disait qu'elle n'était pas un danger. Elle rangea sa dague et leva ses mains pour les montrer à l'inconnue.
- Doucement. (Dit-elle en commun.) Je ne suis pas avec eux.
De longues secondes s'écoulèrent avant que l'humaine n'accepte de la regarder. Pour autant, elle ne s'approcha pas, bien au contraire et continua d'essayer de s'éloigner. Mirlina comprenait fort bien sa détresse et savait qu'il était inutile d'insister. Elle sentit ses pensées dériver et se força à rester concentrée sur l'instant présent, à privilégier la logique et une attitude méthodique. Elle recula avec lenteur et prudence, les mains toujours en évidence. L'inconnue la suivit du regard avec angoisse jusqu'à sa disparition. Mirlina revint vers elle après quelques instants et lui tendit des vêtements.
- Mettez ça. (Dit-elle d'une voix douce.)
Elle déposa les vêtements sur le sol et s'éloigna sans attendre pour rejoindre son cheval. L'animal lui offrit un regard nerveux, sa patte raclant contre le sol pour signifier son mécontentement.
- Je sais. Mais tu n'aimes rien.
L'animal renâcla pour toute réponse. Mirlina s'installa dans le box d'à côté et attrapa un chiffon pour nettoyer ses armes. Suite à quoi, elle les aiguisa.
L'humaine vint la voir près d'une demi heure plus tard, d'une démarche hésitante. Mirlina ne la pressa et attendit patiemment qu'elle prenne place à ses côtés. Elle nota ses mains qui tremblaient, ses yeux où les larmes menaçaient de couler à tout instant. L'humaine était perdue. Elle avait peur. Elle était seule. Et en tant qu'unique personne en vie dans les environs immédiats, Mirlina devenait par la même l'unique présence rassurante à laquelle se raccrocher. La jeune femme s'effondra à ses pieds et ses mains agrippèrent l'elfe, s'accrochèrent à sa tunique, à ses épaules, le corps secoué de violents sanglots. L'elfe posa une main sur son épaule et la laissa pleurer en silence.
Après un long moment, l'humaine finit par s'endormir, épuisée. Mirlina attrapa une couverture qu'elle glissa sur ses frêles épaules. Sa compagne bougea, ses mains la cherchant et elle reprit place à ses côtés. L'esprit de l'elfe se mit à vagabonder et ses yeux se fermèrent presque tout seul. Pourtant, bien que le sommeil semblait l'appeler, il s'obstinait à se refuser à elle, la laissant dans un état de semi conscience. Ses doigts parcoururent machinalement la chevelure de l'humaine, se perdant dans cet océan brun. Elle retira quelques brins de pailles qui s'y étaient emmêlés et ses yeux glissèrent sur le corps de l'humaine. Elle avait les cheveux en bataille, raides, le visage cerné et sale. Cette image lui rappelait elle même, des années auparavant... De même que sa situation. La mâchoire de Mirlina se contracta quand le visage du violeur s'imposa à elle, quand son rire résonna à ses oreilles. Elle se revit abattre sa lame pour effacer ce rire à jamais. Mais il restait là, gravé dans sa mémoire, comme il demeurerait à jamais dans les pensées de sa compagne. Il était désormais un fantôme d'un passé douloureux. Un parmi tant d'autres. Les souvenirs les plus sombres et douloureux étaient les plus simples à se remémorer, dans toute leur noirceur, apportant avec eux la souffrance, le désespoir, la peur... Elle sentit ses yeux se fermer d'eux-mêmes, une fois encore. Son corps était lourd. Une odeur de vin flotta dans l'air, envahit ses narines et elle fronça le nez, indisposée.
C'était par une nuit comme celle-ci. La pluie roulait sur sa peau, imprégnant sa tunique poisseuse. Elle pouvait encore se souvenir de son odeur, si particulière, liée aux pierres chaudes sur lesquelles elle tombait, mélangée à celle du vin. Mirlina lutta pour refouler les souvenirs, se cramponnant au moment actuel. Elle sentit vaguement quelque chose sous ses doigts, perçut le hennissement de son cheval qui s'énervait dans son box. L'odeur du raisin était devenue enivrante. Des voix résonnaient dans sa mémoire, venues d'un passé troublé.
" - Reculez... (Fit l'elfe d'une voix qui se voulait menaçante.)
Le groupe éclata d'un rire rendu gras par l'alcool. Ils avancèrent d'autant qu'elle recula jusqu'à l'acculer contre un mur. Les ténèbres d'une nuit sans lune régnaient sur la cité. Un fort vent soufflait dans les rues, sifflaient sous les hautes voûtes. Mais ce n'était rien comparé au vacarme assourdissant de la pluie qui noyait tous les autres sons. Les mains de Mirlina se cramponnaient à une bouteille brisée, avec un désespoir qui les rendaient tremblantes.
- Reculez ! (Cria-t-elle.)
L'individu le plus proche se jeta sur elle avant de faire un bond en arrière quand l'arme improvisée mordit sa chair. Il grogna et pesta, dévoilant une plaie superficielle qui ne laissait couler qu'un mince filet de sang. Le suivant libéra une onde arcanique qui déstabilisa la jeune femme, lui permettant, ainsi qu'au troisième larron, de se saisir de ses bras. Mirlina se débattit, balançant ses jambes à l'aveuglette pour se défaire de ses assaillants. Mais ceux-ci la maintenaient désormais fermement adossée contre le mur, hors de portée de ses faibles assauts. La jeune femme était à leur merci, les pieds dans le vide. Le premier mage lui offrit un sourire lubrique, accompagné d'une oeillade perverse sur son maigre décolleté.
- Oh, Mirlina... (Fit-il en s'approchant avant d'attraper une mèche de cheveux qu'il porta à son nez pour en humer le parfum.) Tant de temps, sans voir ton adorable cul se trémousser...
Les autres éclatèrent de rire et elle lui répondit d'un regard haineux. Son pied le toucha dans les côtes et il recula en grognant. Mirlina gigota d'autant plus, dans l'espoir de réitérer son exploit. Son assaillant grimaça puis se plia en deux et vomit. Et la jeune femme lui cracha dessus de mépris.
- Tenez lui les jambes ! (Aboya-t-il de sa voix pâteuse.)
Ses compères s'exécutèrent sans attendre, entravant d'autant plus la jeune femme. L'étudiant s'avança, gifla sa victime avec dédain avant de lui tirer les cheveux d'une main. De l'autre, il agrippa sa tunique qu'il déchira rageusement, dévoilant sa poitrine sur laquelle il lorgna sans retenue. Le pantalon de la jeune femme connu un sort similaire, la livrant nue à ses regards lubriques.
- J'vais t'apprendre, salope...
Son haleine fortement alcoolisé envahit les narines du Mirlina qui se débattit et se mit à hurler. Il la frappa de plus belle.
- La ferme !
Le vent et la pluie atténuaient les sons, enfermant le groupe dans une bulle. Les gifles que lui donnaient son agresseur étaient molles et le bruit ne résonnait pas. Pourtant, la joue de Mirlina la brûlait. Et en regardant dans les yeux de son agresseur, elle vit le désir et la folie qui étaient siens. Un tremblement traversa la jeune femme qui secoua doucement la tête d'un air implorant, les yeux emplis de larmes tandis que le désespoir la gagnait.
- Non... (Fit-elle d'une voix faible, guère plus qu'un murmure, qu'une supplique.)
Son courage s'envolait à mesure que les secondes passaient et que deux vérités s'imposaient à elle. Elle ne pouvait pas fuir et personne ne l'entendrait hurler. Personne ne viendrait la sauver.
L'agresseur ricana et se débarrassa de sa robe trempée ainsi que de sa culotte, dévoilant son phallus déjà bien gonflé.
- En souvenir du bon vieux temps... (Marmonna-t-il.)
Et il la pénétra. Brutalement, et sans retenue. Des larmes envahirent les yeux de la jeune femme. La douleur était intense, sauvage... Continue. Elle n'avait qu'un désir, qu'il s'arrête. Mais ce n'était pas son intention. L'étudiant réitéra, encore et encore, chacun de ses coups de butoirs plus violent que le précédent, rappelant à sa victime sa condition de simple chose. Elle pleurait. Ils riaient.
- Gémit, chienne ! (Beugla le mage.) Je sais qu'tu prends ton pied !
Elle n'émit pas le moindre son, la bouche fermée, le visage déformé par le dégoût, la douleur et le désespoir. Les larmes continuaient de rouler sur ses joues, marques silencieuses de son supplice qu'elle ne parvenait pas à contenir. Elle se refusait à crier, à lui offrir cette satisfaction. Son assaillant lui agrippa les seins, ses doigts les enserrant avec force avant de les malaxer.
- J'ai dit, gémit ! (Hurla-t-il en poursuivant de plus belle.)
La douleur que ressentait Mirlina était telle qu'elle crut s'évanouir. Un son étouffé s'échappa de sa gorge et de nouvelles larmes se déversèrent sur ses joues puis son corps. Et son agresseur rit de plus belle. Ses yeux plongèrent dans ceux de la jeune femme, se nourrissant de sa détresse, sans honte ni regret tandis qu'il continuait de la pilonner. Son expression changea du tout au tout quand un sifflement quitta sa gorge, passant de la joie sauvage à l'incrédulité puis à la douleur. Il ouvrit la bouche et du sang s'écoula entre ses lèvres. Il s'écroula contre sa victime, sa tête glissant le long de son corps avant de s'étaler au sol. Le manche ouvragé d'une dague dépassait de sa nuque. Ses deux compères laissèrent échapper une exclamation de surprise. Une lame fendit l'air et frappa celui de gauche en pleine poitrine. Il poussa un grognement en tombant à son tour. Le dernier lança des regards paniqués autour de lui et repoussa la jeune femme, la laissant choir, nue, sur les cadavres de ses compères avant de prendre ses jambes à son cou. Dix mètres. C'est la distance qu'il parcourut avant qu'une ombre ne lui tombe dessus. Il poussa un hurlement de goret quand les lames de l'inconnu lui transpercèrent la gorge.
Mirlina n'avait pas bougée, l'entrejambe en feu, le corps secoué de tremblements qu'elle était incapable de contenir. Elle ne cessait de pleurer, des gémissements de détresse s'échappant de ses lèvres entrouvertes. Son sauveur s'agenouilla à côté d'elle et d'une main délicate, lui releva la tête. Leurs yeux se rencontrèrent, mais Mirlina ne semblait pas le voir, comme déphasée.
- Je vais t'emmener en lieu sûr. (Dit la voix avec douceur.)
L'inconnu laissa son regard parcourir le corps de la jeune femme et se pinça les lèvres en remarquant la tâche rouge qui se formait au sol. Elle se défit du long manteau qui couvrait ses épaules et enroula Mirlina dedans avant de la prendre dans ses bras. La jeune femme se débattit mollement, gémissant de nouveau. Mais la voix de cette femme qui s'était portée à son secours la rassura et elle finit par se laisser faire. Il ne fallut pas longtemps avant qu'elle ne tourne de l'oeil, s'abandonnant à un sommeil sans rêve, épuisée, anéantie."
Mirlina prit une brusque inspiration en revenant au moment présent, sa main refermée sur la poignée de sa dague. Elle resta un long moment sans bouger, scrutant les ténèbres, l'arme levée. Sa respiration était saccadée et son coeur battait à tout rompre dans sa poitrine. Elle déglutit, un masque de terreur déformant ses traits. Des larmes dansaient dans ses yeux. Son regard parcourut les environs immédiat jusqu'à se poser sur la jeune femme qui dormait lovée contre son corps tremblant. Elle prit une nouvelle inspiration et laissa échapper un soupir muet. Puis, elle ferma les yeux et se força au calme. Elle rangea son arme, et, d'un revers de la main, essuya son front couvert de sueur. Puis, son pouce glissa sur ses joues mouillées, effaçant les traces que ses larmes avaient laissées. Elle prit de longues inspirations pour chasser les dernières sensations de ce souvenir qui continuait de la hanter. Elle savait qu'il ne la quitterait jamais. Elle devait simplement apprendre à vivre avec. Comme sa compagne devrait le faire... Elle laissa sa tête retomber contre la cloison du box et son regard dériver vers le plafond. A travers les maigres interstices des planches, elle pouvait apercevoir, de façon fugace, l'éclat blanc des éclairs. Elle focalisa son attention dessus, comptant les secondes qui les séparaient du roulement du tonnerre. Et, après de longues minutes, elle se laissa aller à un sommeil qu'elle espérait réparateur... Et libéré de tout trouble.
Le soleil était déjà levé depuis quelques heures quand les deux jeunes femmes arrivèrent au poste relais. Mirlina descendit de son cheval, laissant l'humaine en arrière, et pénétra dans la bâtisse pour rejoindre l'homme qui tenait la boutique. Celui-ci était en discussion avec un humain qui s'exprimait en faisant de grands gestes. Mirlina resserra sa cape sur ses épaules et s'approcha avant de tourner le dos au client, feignant de s'intéresser au panneau d'affichage des prix.
- Deux cent pièces d'or pour louer un cheval, c'est du vol !
- Ce n'est pas n'importe quel cheval, Monsieur. Un pure race, fort et endurant !
- Je me rends aux Carmines ! C'est à une journée, deux maximum par mauvais temps.
- N'oubliez pas le trajet retour, mon cher.
- Vous n'avez pas de relais sur place ?
- Si. Mais faire revenir ce fier destrier par nos propres moyens engage des frais.
- Cent cinquante pièces d'or. Je n'irai pas plus haut !
L'homme se pencha sur son comptoir avec un sourire amusé.
- Eh bien, il ne vous reste plus qu'à marcher. (Dit-il avant de se laisser aller dans son siège.) Et dépêchez vous. La prochaine auberge n'est certes qu'à deux heures de marche, mais la suivante, est à une journée.
Le client ouvrit puis referma la bouche, consterné. Il attrapa son chapeau et quitta le relais, furieux.
- Je crois que ça fait un client en moins. (Déclara Mirlina sans se retourner.)
- Il reviendra. Nos tarifs sont avantageux. Tu dois le savoir, à force.
Elle sourit et lui fit face.
- Il a raison. Deux cent pièces d'or pour rejoindre les Carmines, c'est cher.
Le commerçant haussa les épaules, amusé.
- C'est fait ?
- Tu en doutais ?
Il secoua la tête avec ironie.
- J'enverrais les nettoyeurs dans la journée. (Fit-il en attrapant une bourse sous son bureau qu'il déposa sur le comptoir.)
- Je suis arrivée trop tard pour les fermiers.
- ça ne change rien.
Elle se pinça les lèvres.
- Qu'y a-t-il ?
Mirlina se décala et fit un signe de tête vers l'extérieur. A travers la fenêtre, le commerçant vit son cheval et la personne qui le caressait doucement. Il laissa échapper un soupir.
- La fille...
L'elfe fouilla dans la bourse, récupéra une partie de l'or qu'elle déversa devant l'homme.
- Pour Hurlevent.
- Si tu y tiens.
Il prit l'argent et le déposa sous le comptoir.
- ça veut dire que tu me fais confiance ?
- Pas besoin. Tu n'as aucune raison de me trahir. Et si tu le fais, tu connais les risques encourus.
Il éclata de rire.
- Tu changeras jamais. Ah, tiens, tant que j'y pense !
Il se leva et attrapa un colis qu'il déposa face à l'assassin.
- Vex l'a laissé pour toi.
- C'est...
Il haussa les épaules, un petit sourire sur les lèvres.
- Faut l'ouvrir pour le savoir.
La voleuse ne se fit pas prier et déchira le carton, dévoilant un brassard surmonté d'une courte arbalète repliée. Ses doigts attrapèrent l'objet avec douceur et elle le caressa du bout des doigts d'un air émerveillé. En dessous, un autre reposait.
- Magnifique. (Commenta-t-elle, des étoiles dans les yeux.)
Elle se débarrassa de ses brassards actuels et enfila les autres. Ils lui allaient à la perfection. Ses amples manches lui permettaient de dissimuler l'arme avec facilité. Elle enclencha le système et l'arbalète se déplia avec un petit clic. Une autre pression et le carreau parti, survolant le comptoir pour s'enfoncer de deux pouces dans le bois derrière l'humain.
- Et puissante.
L'homme laissa échapper un soupir.
- Je devrai te faire payer pour ça.
- Dis-toi que c'est un investissement.
- Mouais. C'est du mono coup, n'oublie pas. Ne rate pas ta cible. (Il alla chercher le carreau et l'arracha du mur.) Il a envoyé ça aussi.
Il déposa sur le comptoir une sacoche qu'il déplia, dévoilant de nombreux carreaux aux têtes diverses.
- Poison, explosive... (Commenta-t-il.) Et il a ajouté ce mot : Amuse-toi bien. Il commence à te connaître.
- C'est sûr. (Dit-elle avec un sourire en repliant la sacoche.) Au fait, tu as un box pour Achille ?
- Ouais. Mais, j'ai une mission qui devrait t'intéresser. Je te l'ai mise de côté. (Il attrapa une lettre qu'il lui tendit.) Je suis sûr que tu vas la prendre.
Mirlina lui lança un regard interrogateur et prit l'enveloppe qu'elle ouvrit. Elle parcourut le contrat et laissa échapper une exclamation amusée.
- J'attendais ce moment.
- Je sais.
- Où est-il ?
- Sombrecomté. Un endroit qui lui correspond bien.
Elle opina.
- C'est une belle somme.
- Ouais. Tu te doutes que tu n'es pas la seule dessus.
- Bien sûr.
- Sois prudente.
Elle lui sourit, prit sa bouse d'or et quitta le relais. L'humaine l'attendait patiemment. Elle déposa la bourse dans sa main.
- Pour ta nouvelle vie.
- Madame... Pourquoi faites-vous ça ?
Mirlina la dévisagea, les yeux brillants.
"Les draps étaient doux sous ses doigts. Mais la douleur noyait ses autres sensations. Tout comme la peur. Elle n'arrivait pas à apprécier la fraîcheur du gant mouillé sur son front, la chaleur douce et réconfortante qui régnait dans la pièce, l'odeur subtile de rose qui s'échappait de la tasse sur la table basse. Elle poussa un gémissement et agrippa les draps avec désespoir, tirant dessus, le corps tendus par la douleur. La main de l'inconnue se posa sur son ventre.
- Chtttt... (Fit-elle avec patience.)
Mirlina inspira par à coup, haletante, le corps en sueur. Des larmes roulaient sur ses joues. Elle gémit de plus belle quand le médecin reprit son opération, refermant les plaies que son agresseur lui avaient infligés.
- Pourquoi... (Haleta-t-elle.) Pourquoi...
- Parce que certaines personnes ne valent pas mieux que des animaux. (Répondit l'assassin.)
Mirlina secoua la tête et déglutit.
- Pourquoi m'aider ?
L'inconnue la regarda longuement, silencieuse.
- Pourquoi pas ? (Répondit-elle.)
Elle hurla de nouveau quand l'aiguille mordit ses muqueuses une nouvelle fois."
Mirlina inspira doucement et lui sourit.
- Parce que... (Commença-t-elle, hésitante.) Tu en avais besoin.
La jeune femme acquiesça, les yeux emplis de larmes de gratitude.
- Nous reverrons-nous ?
- Si tout se passe bien, non. (Dit-elle.)
L'humaine l'enlaça alors et Mirlina lui tapota doucement le dos.
- Merci. Merci, Madame.
L'elfe lui sourit.
- Va voir l'homme au comptoir. Il te trouvera un transport pour Hurlevent. Tout a été payé. Ceci, (Poursuivit-elle en lui prenant la main qui tenait la bourse.), ceci est pour ta nouvelle vie.
La jeune femme la remercia encore, fébrile et reconnaissante. Elle resta avec elle de longues minutes avant de finalement rejoindre le relais. La voleuse la suivit du regard et attendit qu'elle soit rentrée pour s'en aller.