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Photo du rédacteurGautier Florian

Fiction - Wow : Mirlina, Chapitre 6.


Bonjour à tous, fidèles lecteurs !

Mais regardez ça, comme vous êtes gâtés ! Même pas un mois après la sortie du chapitre 5 ! (sur le blog...), vous voilà avec le chapitre 6 à déguster et cela, bien entendu, totalement sans contrepartie.

Qui qu'est chanceux ? :p

Hum... Donc, nous nous approchons de la fin de l'époque Vanilla alors que Mirlina retourne vers Lune d'Argent après avoir accompli un petit contrat. Et elle va faire une rencontre.

C'est pourquoi ce chapitre s'intitule : Rencontre. (c'est recherché, je sais.)


Ceci est le dessin de Lühanne, ma druidesse fait par mon amie Linshaena. Mais si, je vous ai déjà parlé d'elle. Elle m'a également fait une couverture de nouvelle. C'est une artiste talentueuse qui possède son propre site ! Promis, un jour, je vous en parlerai plus en détail, mais en attendant, je ne peux que vous conseiller d'aller voir ses œuvres. Elle fait des tarifs intéressant !

Allez voir ce qu'elle fait, ça vaut le coup d’œil !

Je vous souhaite une agréable lecture :)

 

Chapitre 6 : Rencontre.

L'horloge de l'hôtel de ville sonna pour la deuxième fois depuis le coucher du soleil. La pénombre dominait la région, plongeant les bois dans une obscurité angoissante et oppressante. La ville n'était éclairée que par quelques lampadaires, allumés de ci de là, lui donnant un air lugubre, presque fantomatique, renforcé par le bois couvert d'une mousse noirâtre qui rongeait les murs des maisons partiellement délabrées. Mais la journée n'était guère plus lumineuse dans cette région, nommée à juste titre : Le Bois de la pénombre. Une tension régnait parmi les habitants et les gardes, qui n'avait rien à voir avec les habituels dangers auxquels ils devaient faire face. Les soldats regardaient d'un air méfiant le mercenaire qui faisait le guet devant l'auberge de la ville. Celle-ci avait été louée pour la nuit par un homme, arrivé plus tôt dans la journée, vêtu d'un chapeau et d'une longue cape qui lui couvrait une bonne partie du visage et ne laissaient entrevoir que ses yeux. L'aubergiste n'avait pas hésité longtemps au vu du gain colossal qu'il allait faire. De son propre aveu, Sombrecomté ne rapportait pas grand chose, alors laisser passer pareille aubaine serait preuve d'idiotie, au mieux. Le riche encapé avait ordonné que la salle soit vidée, prétextant préférer la solitude et le calme. Pour les soldats, il semblait plutôt en fuite. Il jetait des regards nerveux alentour, avançait flanqué de ses deux gorilles, constamment sur ses gardes. Les soldats craignaient que sa présence ne soit de mauvaise augure. Mais tant qu'il n'avait rien fait de répréhensible, ils n'avaient pas leur mot à dire. Qui plus est, ils n'étaient pas chargés de sa protection. S'il venait à lui arriver quelque chose, leur seul souci serait la protection des habitants. Le reste ne les concernait pas. Ils espéraient simplement que rien ne viendrait mettre la ville en danger. Sombrecomté avait bien d'autres soucis à régler pour ne pas s'encombrer de problèmes secondaires dans la veine d'un banal règlement de compte.

Le premier homme de main de l'encapé se tenait à l'entrée principal de l'auberge, l'autre devant la secondaire. Les gardes avaient été priés de les laisser tranquille et se contentaient de surveiller vaguement de loin, au cas où, sans réel intention de s'interposer en cas de besoin...

A l'intérieur, l'homme était seul avec l'aubergiste, payé pour une nuit à le servir et à l'écouter d'une oreille compatissante. Il faisait tout lui même : La nourriture, le service, etc. L'encapé avait retiré son chapeau et défait sa cape, laissant entrevoir son visage marqué par les âges et les combats. Ses cheveux étaient grisonnants et coupés courts. Ses yeux bleus avaient perdus de leur éclat, tirant vers le gris. Des cicatrices barraient son visage au nez cassé et au menton fendu. Ses mains poilus n'étaient pas en reste, et on pouvait voir qu'il lui manquait un doigt, l'auriculaire, à droite. Une chevalière en or représentant une tête de dragon, était visible à son annulaire gauche et était un témoignage efficace de l'argent que possédait l'encapé.

- Qu'est-ce qui vous amène ici, étranger ? (Demanda l'homme au bar d'un ton neutre.)

L'intéressé releva les yeux de son broc et considéra le tavernier d'un air sombre, les yeux plissés, avant de chiquer son tabac dans le pot à sa gauche.

- Quelle importance ? Je vous paye pour me servir sans avoir à subir vos clients. Ce n'est pas pour avoir à répondre à vos questions.

Si le tavernier le prit mal, il se garda bien de le montrer et se contenta de sortir une bouteille de derrière le comptoir. Le vieux bourru opina et il lui remplit son verre en silence. Puis, l'homme quitta la salle principale pour rejoindre la cuisine et préparer le repas que son client avait commandé plus tôt, laissant ce dernier seul avec ses pensées. L'ancien regarda au fond de son broc, les lèvres pincés, l'air épuisé avant de le vider d'une traite. Puis, il attrapa la bouteille et se resservit.

- Pas trop cuit, le gigot, tavernier. (Beugla-t-il, commençant déjà à sentir les effets de l'alcool.)

Il grommela mais continua de boire. Après tout, il était là pour s'enivrer. Pour oublier.

- Tavernier ! (Grogna-t-il.)

Un bruit étouffé lui parvient de la cuisine et il posa le broc d'un coup brusque, envoyant une giclée d'alcool sur le bar. Le feu dans la cuisine laissait échapper une lueur dansante dans la salle et une ombre passa dans l'embrasure de la porte séparant les deux pièces. L'ancien se leva de son tabouret, sa main glissant dans son dos pour se saisir d'une lame dissimulée.

- Hey ! (Lâcha-t-il de nouveau, sur les nerfs.)

Il s'écoula quelques secondes dans une tension grandissante avant que l'aubergiste ne sorte de la cuisine, en sueur, les mains enfoncées dans son torchon.

- Un problème ? (S'enquit-il.)

L'homme se détendit légèrement et rangea sa lame mais garda la main sur la poignée, ne quittant pas le tavernier des yeux.

- Pourquoi vous ne répondiez pas ?

- Avec le hurlement des flammes, on entend rien là bas. Il y a un problème ?

L'encapé fit non de la tête avant couler un regard vers le bar. Constatant que la bouteille était vide, il s'en saisit et la montra à son hôte.

- M'en faut une autre.

- Je vous apporte ça. (Répondit-il d'une voix bourrue avant de retourner dans la cuisine.)

L'homme s'avança d'un pas méfiant vers la cuisine et suivit l'aubergiste du regard tandis que ce dernier s'enfonçait dans la cave sombre et humide. Il laissa ses yeux embrasser la petite pièce, s'arrêtant sur le gigot en train de cuire au dessus d'un brasier hurlant. Une chaleur étouffante régnait dans la pièce et rendait l'air difficilement respirable, tout en lui portant à ses narines une odeur agréable. Il devait bien reconnaître que son hôte avait raison : Difficile d'entendre quoi que ce soit avec un boucan pareil. Il secoua la tête, maudissant son manque de sang-froid avant de retourner s'asseoir. Il se saisit de son verre à moitié vide, bien décidé à le terminer. Son regard fut attiré par le liquide qui avait coulé sur le bar et formait désormais une petite flaque dans un creux du bois. En se penchant au dessus, l'encapé pouvait apercevoir son reflet daté et bien loin de celui qu'il avait été. L'insécurité, la peur, régnaient dans ses yeux. Il n'aimait pas ce qu'il voyait et vida son verre en grommelant avant de retirer sa chevalière qu'il jeta dans la flaque, brisant le reflet. Les secondes devenaient des minutes et l'aubergiste n'avait toujours pas reparu. Le verre de l'ancien demeurait désespérément vide et son humeur, maussade. Il tapa sur le bar en poussant une gueulante.

- Aubergiste !

Aucune réponse. Il se renfrogna et se leva, s'agrippant au bar pour ne pas perdre l'équilibre. La boisson commençait à le rattraper et à imposer son contrecoup à son corps vieillissant. Il secoua la tête pour se remettre les idées en place et retourna vers la cuisine d'un pas mal assuré. A peine eut-il passé la porte que la chaleur étouffante l'accabla et lui fit tourner la tête. Une grimace déforma son visage. Elle s'accentua encore quand une voix résonna à ses oreilles un peu avant qu'une arbalète n'apparaisse devant son visage.

- Bonsoir, Jebedia. (Fit l'inconnu avec un sourire.)

L'encapé croisa le regard de l'individu et lâcha un grognement bas en reculant d'un pas.

- Malek...

L'intéressé s'inclina légèrement tout en lui indiquant d'un mouvement de la main de reculer.

- Ta sécurité laisse à désirer. Retourne au bar.

Jebedia s'exécuta maladroitement, titubant à cause de l'alcool.

- Je ne m'attendais pas à ce que tu sois le premier... (Bredouilla l'ancien d'une voix pâteuse.)

- Tu vaux une belle somme, Jebedia. Même moi, je trouve ça indécent.

- Laisse-moi alors...

- Je ne crois pas. Indécent ne veut pas dire que j'aurai du remord à toucher cette somme. (Lâcha-t-il avec un sourire carnassier.)

L'encapé s'installa d'un côté du bar et Malek de l'autre, l'arme toujours à la main et pointée sur son interlocuteur.

- T'attends quoi ?

- T'es pressé ? Laisse-moi savourer un peu l'instant. C'est pas tous les jours qu'on tue quelqu'un de ta stature.

Jebedia se contenta de grogner pour réponse, ce qui fit rire Malek.

- Personnellement, je trouve que c'est du gâchis. J'imagine que tu as énervé les mauvaises personnes. Mais vois le bon côté des choses, tu auras eu une vie assez remplie et plutôt longue si on considère le milieu.

- On ne pourra pas en dire autant de la tienne. (Déclara une voix froide comme l'acier et féminine.)

Malek fit volte-face et ses yeux s'écarquillèrent de douleur quand un carreau se planta dans sa gorge. Il essaya de l'attraper d'un geste fébrile avant de s'écrouler avec un gargouillis. Le nouvel arrivant n'avait pas bougé, debout dans l'embrasure de la porte. Jebedia plissa les yeux pour essayer de voir le visage de l'inconnue qui demeurait dans les ombres. Il savait déjà que c'était une elfe, en égard à ses yeux qui brillaient faiblement.

- Dois-je vous remercier ? (Marmonna-t-il.)

La femme laissa échapper un bref rire et s'avança dans la salle, laissant les lumières illuminer son visage. Jebedia laissa échapper un soupir de dépit.

- Toi... Je savais que tu ne raterais pas l'occasion...

Elle sourit et vérifia du bout du pied que Malek était bien mort avant de lui retirer son arbalète et ses armes, au cas où. Jebedia fut tenté de fuir. Mais il n'en fit rien, incapable de se relever à cause de l'alcool qui commençait à lui donner la nausée et un épouvantable mal de crâne. Il peinait déjà à rester cohérent.

- Je n'ai jamais rien fait qui puisse te nuire... (Dit-il.)

- C'est vrai. Mais ça ne change rien à ce que tu es. Une infâme crapule, mettant des primes sur les têtes de ceux à qui tu dois de l'argent pour éponger tes dettes notamment.

- Des individus tout autant crapuleux que moi...

- Certes.

Il se pinça les lèvres. L'assassin était froid, comme dans son souvenir. Mais il savait également qu'elle était du genre à faire preuve de clémence. Parfois... Peut-être qu'en la faisant parler...

- Je t'ai fait entrer dans ce milieu, toi qui te contentais des primes sur des tableaux de chasses officiels. Combien d'animaux, de morts vivants, de gens, as-tu anéanti ?

- Plus qu'il n'en faut. Tu veux que je te remercie pour avoir fait de moi une arme et m'avoir pointé dans la direction qui te plaisait ? J'étais une tueuse avant toi.

Pas la bonne approche, pensa-t-il. Changeons de tactique.

- Je suis surpris qu'il soit arrivé jusqu'à moi avant toi. Tu deviens négligente. Encore un peu et la prime te serais passée sous le nez.

- Il n'est parvenu ici que parce que je l'ai voulu, Jebedia, tu le sais bien. Pratique pour se débarrasser de tes gorilles tout en me ménageant.

- Tu l'as laissé faire le sale boulot... Comme je te l'ai appris.

Elle esquissa un sourire sans joie.

- Cesse d'essayer de gagner du temps, veux-tu ? ça ne sert à rien. Tu es incapable de faire naître la moindre émotion autre que la haine ou le dégoût en moi.

- Mais je suis toujours en vie. (Lança-t-il.)

Elle laissa échapper un bref rire.

- Pour l'instant...

Elle se pencha sur le comptoir, plongeant son regard azur dans le sien, l'étudiant comme un chasseur étudie sa proie avant de lui donner le coup de grâce.

- Dis-moi, Jebedia... As-tu des remords ? Des regrets ?

- Je devrais ?

Elle fit claquer sa langue, amusée.

- Si tu avais une âme, oui. Mais nous savons tous les deux que les morts vivants n'ont rien à t'envier à ce niveau-là.

Il renifla de colère et elle rit de plus belle, enfournant ses mains sous le comptoir.

- Je te sers un verre ?

Il haussa les épaules.

- Au point où j'en suis.

Elle opina et fouilla parmi les bouteilles avant d'en attraper une avec une moue incertaine.

- Tequila. ça te tente ?

- L'aubergiste en cachait des belles, là dessous... Si j'avais su, je lui aurai demandé ça à la place de son tord boyau sans goût.

Elle sourit et attrapa un verre avant de le remplir et de le lui tendre.

- Je te proposerais bien de trinquer, mais... Tu sais ce qu'il en est. (Fit-elle.)

- Ouais. T'as mauvais goût en matière de boisson. (Railla-t-il.) Heureusement, en matière de femme, tu te rattrapes. (Il considéra le verre un instant.) Je peux t'obtenir tout ce que tu veux. Argent, propriété, hommes, femmes... Tout.

Elle plissa les yeux et lui lança un regard qui lui glaça les sangs.

- Ne m'insulte pas. ça n'a jamais été pour l'argent, tu le sais très bien. Je te méprise depuis toujours. Et le fait que j'ai accompli des contrats pour toi ne change rien à cela.

Il se lécha les lèvres et se gratta le menton avant d'opiner.

- Ouais, tu me méprises... T'es pas la seule... (Il porta le verre à ses lèvres et le but d'une traite. Une partie du liquide coula sur son menton et il l'essuya d'un revers tremblant de la main.) Et maintenant ?

Elle se redressa, un sourire au bord des lèvres.

- Maintenant... Je te dis adieu.

Et elle tourna les talons. Jebedia la regarda s'éloigner d'un air ahuri.

- Sans me tuer ? (Fit-il.)

Elle s'arrêta à l'embrasure de la porte et jeta un regard rapide à l'ancien, d'un air de conspirateur.

- Oh, mais ça, c'est déjà fait, Jebedia...

Et elle quitta l'auberge. L'encapé resta sans bouger de longues secondes alors que les mots de l'elfe résonnaient à ses oreilles.

Déjà fait...

Sa chevalière, dont il ne se séparait jamais, n'était plus sur le bar. Un hoquet de stupeur le saisit. Il regarda son verre avec frayeur avant de le lâcher sur le comptoir, le corps secoué d'un spasme. Une douleur foudroyante remonta dans sa poitrine. Ses poumons et sa gorge se mirent à le brûler. Il tituba avant de s'écrouler au sol, suffoquant, comprenant bien trop tard ce qui lui était arrivé. Il se débattit, essayant de défaire sa chemise, de libérer sa gorge pour happer de l'air. Il ne sentait déjà plus ses jambes. De l'écume s'échappa de sa bouche et ses yeux, injectés de sang, étaient de plus en plus globuleux, menaçant de s'extirper de leurs orbites. Les tremblements s'accentuèrent un temps avant de s'espacer pour s'arrêter totalement tandis que l'étincelle de vie déserta son regard.

L'elfe arriva au relais d'Elwynn moins de deux jours plus tard. Elle déposa la chevalière sur le comptoir d'un geste leste. L'homme la dévisagea une demi seconde avant de s'emparer du bijou qu'il observa quelques secondes. Un sourire se dessina sur ses lèvres.

- Pas mal. Pas mal du tout. Tu n'as pas eu trop de mal ?

- Non.

Il secoua la tête, amusé, avant de poser une bourse devant lui qu'elle attrapa et soupesa.

- Tu devrais me faire confiance. Depuis le temps.

- Je devrais. (Répondit-elle en continuant de soupeser le sac.)

Cela fit rire l'homme.

- J'ai croisé Malek. (Ajouta-t-elle.)

- Et ?

Elle déposa l'arbalète de ce dernier sur le comptoir.

- Et il n'en revient toujours pas. (Lâcha-t-elle avec un sourire en coin.)

Son hôte éclata de rire.

- Pas mal ! Je la ressortirais !

Il récupéra l'arme, déposa une autre bourse, plus petite, ainsi qu'une feuille devant l'assassin.

- Non merci. (Fit Mirlina en récupérant l'or qu'avait gagné Malek avec son contrat précédent.) Je vais retourner par chez moi. Il paraît que ça bouge à Lune d'Argent.

- Oui, j'en ai entendu parler. Justement, ce contrat devrait t'intéresser.

Elle haussa un sourcil et s'intéressa à la fiche.

- Je vois...

- Tu prends ? Ils veulent quelque chose de discret. J'en ai encore parlé à personne.

- Pourquoi pas... Le relais de Lune d'Argent est ouvert ?

- Depuis peu.

Elle opina et prit la feuille qu'elle fourra dans une poche intérieur de son plastron.

- Garde-moi Achille, tu veux bien ? J'ai besoin d'une monture volante.

Il se pinça les lèvres.

- J'en ai pas pour le moment.

- Tu m'expliques comment je rejoins Lune d'Argent d'ici, à pied ? (Fit-elle, agacée.)

- T'énerves pas voyons ! (Fit-il en levant les mains en geste d'apaisement.) Les gobelins ont toujours des griffons. Voir des faucons dragons. Tu devrais aller à Baie du Butin.

- Et je fais comment pour Achille ?

- Je te prête une monture. Tu leur diras que tu viens de ma part, il me la renverront à l'occaz.

- Bon... Prends soin d'Achille, sinon, tu auras affaire à moi.

- C'est promis. (Fit-il en souriant.) Tu veux que je le fasse venir à Lune d'Argent ?

- Non. Garde-le ici, pour ma prochaine visite.

- On fait comme ça.

- Combien de temps pour rejoindre Baie du butin d'ici ?

L'homme se gratta le menton, les yeux rivés au plafond.

- Entre quatre et cinq si tu n'as pas de mal en chemin. ça peut monter à six voir sept. Pas plus.

Elle acquiesça pour elle-même.

- Bon, allons-y sans tarder alors. Tu peux faire venir ça à Lune d'Argent ? Je ne fais pas confiance aux gobelins.

Il éclata de rire alors qu'elle déposait ses bourses d'or sur le comptoir.

- ça sera fait. Laisse Achille à Léon, il te donnera un autre cheval en échange.

Mirlina mit une journée de plus que prévu pour rejoindre Strangleronce. Sa monture était un Hongre pour le moins caractériel et âgé. Il ne parvenait pas à garder le galop longtemps, passait son temps à essayer de brouter de l'herbe au lieu d'avancer. C'était un miracle qu'elle n'ait mis que cinq jours pour atteindre la région. Mais elle n'était pas au bout de ses peines pour autant. Strangleronce était une vaste jungle. Elle mena sa monture à travers le sentier qui traversait la zone, aux aguets. De nombreux sons lui parvenaient depuis les profondeurs de la jungle et aucun ne la rassurait, pas plus que son cheval qui laissait régulièrement échapper de petits hennissements inquiets. Mais il n'y avait rien. Tout était calme. Sa monture baissa la tête pour la cinquième fois depuis le début de la journée pour essayer de brouter un peu d'herbe et Mirlina laissa échapper un long soupir en tirant sur les rênes et en talonnant l'animal. Le cheval reprit sa route après une dernière tentative échouée.

Après de longues minutes de voyage, quelque chose attira l'attention de l'elfe et elle se contorsionna sur la selle pour regarder un arbre sur sa gauche qu'ils venaient de dépasser. Soudain, l'animal se cabra avant de partir à bride abattue. Mirlina manqua se faire éjecter et s'accrocha de toutes ses forces pour rester sur son destrier. Elle essaya de le calmer par des mots, pas quelques caresses, mais l'animal n'écoutait rien. Un rugissement la fit de nouveau se retourner et elle vit une panthère qui courait sur le sentier derrière eux. L'assassin attrapa une arme de jet et visa l'animal. Mais c'était chose quasi impossible avec les ruées que faisait sa monture en essayant de semer le prédateur. Elle grimaça, agrippa fermement sa selle avant de se retourner d'un bond. Puis, elle lança son arme qui cueillit la panthère dans le museau. Celle-ci s'écroula au sol après un feulement, morte. La voleuse sourit avant d'être prise d'une violente nausée. La jungle bougeait de manière chaotique sous son regard et sa monture continuait d'aller de droite et de gauche, comme si elle était bourrée.

- Du calme ! (Hurla l'elfe en reprenant sa position d'origine.)

Du moins essaya-t-elle car le cheval quitta la route et manqua la faire choir une fois encore. Elle s'accrocha désespérément à la selle tout en maudissant la bête qu'elle chevauchait, le palefrenier qui lui avait refourgué, celui qui l'avait entraîné, ainsi que les géniteurs de ce dernier. Et les canassons qui avaient niqués pour mettre au monde pareil animal aussi tiens ! Des rugissements la tirèrent de la liste mental qu'elle était en train de concocter en vue de se venger et elle vit pas moins de cinq prédateurs se lancer à la suite de son cheval. Finalement, il fuyait pour quelque chose. Mais les fauves gagnaient rapidement du terrain et le destrier de son côté ralentissait. La peur lui avait donné un gain certain d'énergie, mais celui-ci était manifestement terminé. Mirlina arma ses arbalètes, visa et fit feu. Elle ne toucha qu'un seul fauve, qui tomba sans entraîner les autres et poussa un juron avant de se retourner. Elle devait reprendre le contrôle de sa monture. Elle analysa son environnement tout en attrapant les rênes. Sur sa droite, elle pouvait apercevoir, de manière saccadée, une rivière ou un lac. Elle fit bifurquer son cheval pour se diriger vers l'étendue d'eau. Ils n'y arrivèrent pas. Une panthère jaillit d'un fourré sur la gauche et ses crocs se refermèrent sur la patte avant du cheval. L'animal perdit l'équilibre et s'écroula au sol en faisant une roulade. La voleuse lâcha tout et fit un vol plané avant d'atterrir dans les buissons. Elle se releva et tira ses dagues pour se figer. Son destrier était déjà mort, même s'il respirait encore. Trois fauves s'étaient jetés sur lui et il avait une patte brisée. Elle ne pouvait rien faire. Elle recula lentement, les armes prêtes en cas d'attaque et s'efforça d'oublier les hennissements affolés du cheval alors que les prédateurs lui tournaient autour, ceux de douleur à cause de sa patte et de ses multiples blessures. Elle ne pouvait rien faire. Il ne lui restait plus qu'à fuir. Le hongre lui servirait de diversion... Enfin presque. Car si les prédateurs s'en contentaient, sa course avait attiré d'autres visiteurs bien plus dangereux. Des trolls. Mirlina entendit la respiration rauque du premier et se laissa tomber à genoux pour éviter le coup de hache qui l'aurait décapité sinon. L'arme de son ennemi se figea dans le tronc de l'arbre et elle en profita pour lui taillader la poitrine. Elle n'eut pas le temps de l'achever qu'un autre se jetait sur elle, l'obligeant à faire une roulade pour éviter le coup. Elle se releva et enfonça sa lame dans la gorge du troll. Celui-ci s'écroula dans un gargouillement. Trois autres sortirent des fourrés pour se jeter sur l'elfe. Mirlina poussa un juron, évita une nouvelle attaque et manqua se faire embrocher par derrière. La lance jaillit à travers sa cape, raclant contre son plastron de cuir. Elle l'attrapa et tira d'un coup sec mais le troll était plus fort et il l'attira à elle en réponse. Elle s'appuya contre la hampe et leva les pieds pour le frapper en plein visage. Le troll s'écroula avec un grognement. Mirlina fit une roulade, libéra le carreau de son arbalète droite. Mais il ne se passa rien et elle se souvint qu'elle n'avait pas rechargé. Elle jura en faisant un pas de côté pour éviter un nouvel assaut et aperçu du coin de l'oeil le second troll qui s'approchait. L'elfe attrapa une arme de jet, bloqua un coup de son adversaire de face avant de le faire chuter d'un croche-pied puis se retourna pour lancer son arme dans la tête du second. Elle raffermit sa prise sur sa dague et la planta de toute ses forces dans le coeur du troll à ses pieds. La voleuse s'accorda quelques secondes pour reprendre son souffle et en profita pour recharger ses armes. Puis, elle se leva et s'en alla. Le premier troll se releva en hurlant et se lança à sa suite. L'elfe se retourna, décocha le carreau qui s'enfonça profondément dans le crâne de son ennemi. Elle considéra un instant la clairière et les cadavres qui jonchaient le sol puis reprit sa route, ignorant tant que possible la fatigue.

La chaleur qui régnait dans la jungle était étouffante et c'est avec joie que l'elfe accueillit la nuit. Elle l'avait préparé, plaçant des pièges, cueillant des fruits, récupérant de l'eau, pour avoir de quoi se nourrir. Elle avait trouvé refuge dans de vieilles ruines abandonnées et avait fait un feu pour éloigner les animaux sauvages. Mais malgré la fatigue, elle ne parvenait pas à trouver le sommeil. Les bruits de la forêt ne l'aidaient certes pas, mais il y avait autre chose, comme une sensation tenace dont elle ne parvenait pas à se défaire. Ses yeux fouillaient les alentours, à la recherche d'un danger quelconque. Elle avait la sensation qu'on l'épiait depuis les ombres, que quelqu'un ou quelque chose, rôdait. Après de longues minutes, l'elfe se débarrassa de sa cape, vérifia ses armes, puis quitta son campement. Elle parcourut plusieurs centaines de mètres avant de décider qu'elle était allée assez loin. Elle fit le tour d'un arbre... Et se drapa dans les ombres. Ainsi dissimulée, Mirlina retourna vers les ruines. Ses pas gracieux étaient silencieux dans la nuit noire. Son feu de camp était comme une balise qui inondait les environs d'une lueur orangée. Ses yeux, réhabitué à la pénombre, étaient plus à même de déceler les formes aux abords du camp. Elle fit le tour des ruines, restant à bonne distance par prudence. Mais elle ne vit rien et commença à se demander s'il ne s'agissait pas tout simplement de son imagination qui lui jouait des tours. Elle se passa une main sur le front pour en essuyer la moiteur et retourna au campement. Elle s'arrêta à mi chemin quand un bruit retint son attention. Elle regarda autour d'elle, sur ses gardes. Un feulement retentit à ses oreilles et un tigre jaillit des fourrés, la prenant par surprise. Mirlina se laissa tomber au sol pour éviter un coup de griffes qui aurait pu être mortel, mais n'eut pas le temps de se relever que l'animal la dominait de tout son poids, ses crocs luisant à la faible lueur du feu, prêts à lui déchiqueter la gorge. La voleuse libéra les deux carreaux de ses armes dans le cou du fauve qui poussa un grognement de douleur avant de se laisser choir, mort. Mirlina avait juste eu le temps de ramener ses jambes sur son torse. Elle essaya de pousser le corps mais l'animal était bien trop lourd pour elle. L'air commençait à lui manquer mais elle refusa d'abandonner et parvint, au prix d'un énorme effort, à ramper pour se libérer. Là, allongée dans l'herbe, l'assassin s'accorda un moment pour reprendre son souffle tout en grimaçant à cause du sang qui lui avait coulé sur le visage et les vêtements et qui rentrait sous sa combinaison en cuir.

Demain, je me laverai. Se promit-elle. Demain.

Elle se força à faire un dernier effort pour rejoindre son campement et s'endormit bien vite. Sans parvenir à oublier cette sensation qu'on l'observait.

Elle se réveilla le lendemain, toujours couverte de sang, mais entière et avala un rapide petit déjeuner avant d'effacer ses traces. Puis, elle se mit en quête d'une source d'eau suffisamment grande pour qu'elle puisse s'y immerger tout entière. Malheureusement pour elle, il n'y en avait pas dans les environs immédiat. Elle se renfrogna en constatant qu'elle avait perdu le sentier. Plus encore quand elle comprit qu'elle tournait en rond. Après un instant de panique, elle se força au calme et utilisa ses quelques connaissances de survie en forêt pour s'orienter. Suivre le sentier était certes le chemin le plus sûr, mais pas le seul pour trouver Baie du butin. La ville, elle le savait, se situait au sud.

Y'a plus qu'à, comme dirait l'autre...

Elle se mit en route, d'un pas prudent. Elle ne s'arrêta que deux fois. La première pour faire ses besoins, la seconde pour se restaurer un peu. Heureusement, sa gourde d'eau n'était pas encore vide, mais elle doutait parvenir à tenir le reste du voyage avec. Elle s'accorda également quelques minutes de repos avant de reprendre sa route. Le soleil avait entamé sa longue descente dans le ciel quand elle se mit en quête d'un nouvel abri pour la nuit.

J'aurai du prendre le temps de récupérer de quoi manger sur ce satané tigre...

Elle allait ramasser une noix de coco quand elle perçut des bruits de lutte. L'assassin se figea et engloba les environs du regard, sur ses gardes. Ses mains avaient glissées jusqu'à ses dagues, mais elle les avait laissées aux fourreaux. Il lui semblait que les bruits provenaient de sa gauche. Elle se déplaça d'un pas lent vers la petit colline qui se dressait devant elle et commença l'escalade. Elle percevait mieux les sons désormais. Il y avait des grognements et des mots échangés dans un dialecte qui ne pouvait qu'être troll, mais également autre chose, de plus familier, même si les mots demeuraient incompréhensibles pour elle. Son sang battait à ses tempes à mesure qu'elle poursuivait l'escalade et que l'anxiété la gagnait. Elle s'arrêta à mi-chemin pour reprendre son souffle avant de poursuivre l'ascension. Au sommet, ce qu'elle vit confirma ses conclusions précédentes. Il s'agissait bien d'un groupe de troll qui fêtait la capture d'un humanoïde. A en juger par la quantité de sang et de corps au sol, la proie s'était défendue becs et ongles. Mirlina se décala pour mieux voir tout en se drapant dans les ombres. La femme, car il ne pouvait s'agir que d'une femme, emprisonnée dans un filet, avait de longues oreilles et sourcils, ainsi que des cheveux violets qui lui tombaient derrière les épaules. Ses yeux étaient légèrement ambré et elle avait la peau violacée. Deux marques rouges, comme des peintures, traversaient son visage de chaque côté, partant du front pour descendre jusqu'à la moitié de ses joues. Mirlina haussa un sourcil. C'était une elfe, il n'y avait aucun doute possible mais elle n'en avait jamais vu de pareil. Il lui semblait que celle-ci était plus musclée que ses congénères, mais également plus grand.

Kal'dorei...

Elle en avait entendu vaguement parler, suite à la guerre du fléau, mais n'en avait encore jamais vu. Elle se pinça les lèvres. Cette affaire ne la regardait en rien. Cela étant, elle n'avait pas de doute sur ce que les trolls feraient d'elle, les tribus de la région pratiquant le cannibalisme.

A sa place...

Elle n'eut pas le temps de terminer sa pensée. La Kal'dorei poussa un beuglement en se transformant en un puissant ours. Les cordes du filet lâchèrent en un temps record devant l'immense animal qui se mit à donner des coups de pattes dans tous les sens. Les trolls s'éloignèrent et levèrent leurs lances. L'ours disparut alors, laissant place à une panthère élancée qui sauta à la gorge de son adversaire le plus proche pour lui broyer la trachée. Le corps n'était pas encore au sol que déjà, un autre tombait sous son assaut. Mirlina observa la scène avec des yeux ronds. C'était la première fois qu'elle voyait un druide en action. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que c'était impressionnant. Un troll lança un filet sur la druidesse mais celle-ci prit la forme d'un oiseau pour échapper au projectile. De ses serres, elle arracha le visage de son adversaire. Les survivants commencèrent à se rassembler. Ils n'avaient manifestement plus dans l'idée de la capturer vivante, au vu de leur posture de combat qui venait de changer.

Envole-toi, druidesse. Rien ne t'oblige...

Mais ce n'était manifestement pas dans les plans de l'intéressée. Une lance fendit l'air dans sa direction et elle reprit sa forme féline pour tomber au sol avant de se jeter sur le groupe. Les trolls se désolidarisèrent et un seul resta devant elle, l'empêchant d'avancer avec son arme. Les autres la contournèrent pour l'encercler. La Kal'dorei feula, prit sa forme d'ours pour briser la lance d'un coup de patte avant de charger son ennemi dont elle enfonça le thorax. Mais les autres lui se jetèrent sur elle. Elle se retourna. Une arme racla contre son cuir et laissa un sillon sanglant dans son dos. Elle rugit de douleur et donna un coup de patte qui ne toucha malheureusement que le vide. Elle commençait à fatiguer. Mirlina regarda le combat, les trolls converger vers la druidesse, tiraillée. Puis, elle poussa un juron et attrapa deux armes de jet qu'elle lança sur un premier troll. Avant qu'elles ne l'atteignent, elle s'avança d'un bond et tira un carreau sur le second. Les trois survivants se tournèrent alors vers elle tandis que leurs compagnons s'écroulaient au sol. Cette erreur permit à la druidesse, de nouveau en félin, d'en tuer un troisième. Une lance arriva vers Mirlina et elle fit une roulade pour l'éviter, se releva dans la foulée tout en dégainant ses dagues qu'elle enfonça dans le ventre du plus proche. Elle planta ses pieds dans le sol et concentra toutes ses forces pour soulever le corps de sol, enfonçant plus encore les lames avant de le rejeter en arrière sur son compagnon. Ce dernier repoussa le mort sans considération, faucha la druidesse du bout de sa lance avant de bondir sur Mirlina. L'assassin lui offrit un rictus et se fendit avant de lui trancher la jugulaire. Il tomba à genoux, les mains sur sa gorge d'où son sang s'écoulait à gros bouillons. La Sin'dorei toucha le corps du bout du pied, le faisant tomber en arrière. Le troll lutta pendant quelques secondes avant que la mort ne l'emporte.

Mirlina jeta un coup d'oeil circulaire dans la clairière pour vérifier que rien d'autre ne bougeait. Puis elle tourna son regard vers la druidesse. Celle-ci, toujours en forme féline, la dévisageait, les babines retroussées, les pattes repliées, prête à bondir. L'assassin recula d'un pas et rangea ses armes avant d'écarter les bras en signe de bonne foi. Mais cela ne suffisait manifestement pas à calmer la Kal'dorei qui continuait de la regarder d'un air agressif, les poils hérissés. La voleuse aurait pu s'en offusquer. Mais elle accepta la méfiance de l'elfe et recula avec des gestes lents et visibles. Elle nota que parmi les corps qui jonchaient le sol, deux n'étaient pas troll.

Je comprends mieux pourquoi tu n'as pas fuit.

Son regard revint à la druidesse. Du sang collait ses poils en plein milieu de son dos et Mirlina doutait qu'elle soit une menace pour elle, en vue de son état. Mais elle n'avait aucun désir de se battre. Après quelques mètres, elle se retourna et s'en alla.

Mirlina marchait depuis une vingtaine de minutes quand elle aperçut au loin l'océan. Elle tourna son regard vers l'ouest et au vu de la position du soleil, estima que la nuit viendrait dans une heure, maximum.

Assez pour me rincer.

Ce petit détour n'avait finalement pas été une perte de temps. Et le combat lui avait fait du bien aussi. Elle accéléra le pas.

La nuit étendait son influence sur la jungle quand elle se décida à sortir de l'eau. Entièrement nue, l'elfe rejoignit son campement, à quelques pas de là et attrapa un bout de bois qu'elle lança dans le feu. Les flammes l'engloutirent quasi instantanément et vinrent lécher la carcasse de reptile qui cuisait au dessus. L'elfe attrapa la broche et la leva un instant pour éviter que son repas ne crame avant de la remettre en place. Puis, elle s'installa sur un tapis de feuilles qu'elle avait ramassé un peu plus tôt et se laissa sécher à la chaleur du feu. La sensation aurait pu être plus agréable, si l'atmosphère ambiante de la jungle n'était pas aussi lourde au naturel. Pour autant, elle ne bouda pas son plaisir. Ses vêtements séchaient un peu plus loin, enfin débarrassés du sang qui les rendaient collant et puant. Elle espérait qu'ils sécheraient avant que la fatigue ne l'emporte, peu désireuse de dormir nue en un endroit aussi sauvage. Bien que moins efficace que de la plaque, son armure de cuir lui offrait tout de même une protection en cas d'attaque qu'il ne fallait pas négliger. Mirlina ferma les yeux, laissant le souffle chaud du brasier fouetter son visage, tout en savourant l'odeur de viande rôtie qui lui montait aux narines, accompagnée de la fine senteur salée de l'océan proche. Le cadre était agréable. Presque idyllique ! Pour peu qu'on ne soit pas seul. Une ombre passa sur le visage de Mirlina, pour la quitter aussitôt.

J'ai bien le temps.

Elle rouvrit les yeux et fronça les sourcils. Elle venait d'entendre quelque chose. Elle fouilla les environs d'un rapide regard, haussa mentalement les épaules et referma les yeux. Plusieurs minutes s'écoulèrent avant qu'elle ne se décide à les rouvrir. Elle observa son dîner avant de s'en saisir, décidant qu'il était assez cuit. Elle planta la broche dans le sable pour laisser la graisse couler et l'animal refroidir un peu. Puis, elle se leva et attrapa un nouveau bout de bois qu'elle posa sur le brasier ardent. Le bois craqua et des étincelles jaillirent du feu pour plonger parmi les grains de sable. L'assassin se figea. Elle avait entendu quelque chose, encore. Elle attrapa une de ses dagues, enfila l'un de ses brassards, vérifia qu'il était chargé, avant de se tourner vers la jungle. Elle plissa les yeux, essayant de discerner quelque chose parmi la végétation basse, mais elle ne voyait rien. Elle se pinça les lèvres et allait faire volte-face quand un buisson bougea. Elle leva son bras, arbalète en avant, sa dague dans l'autre main, et s'avança d'un pas lent. Il devait certainement s'agir d'un animal. Mais de quelle taille ? Elle écarta du bout de son arme les premières feuilles sans vraiment croire qu'elle verrait quoi que ce soit. Et pourtant... La druidesse croisée plus tôt était là. Ses yeux ambrés semblaient ternes. Mirlina plissa les siens, essayant d'en apercevoir plus quand leurs regards se croisèrent. L'assassin ne savait pas vraiment quoi faire. La Kal'dorei était manifestement blessée.

Elle l'est. Je m'en souviens.

Elle revoyait très bien la scène, cette lance qui raclait contre le cuir de l'ours, déchirant la peau pour laisser une coupure sanglante. A première vue, elle n'avait pas eu l'air profonde.

Mais elle est de retour dans sa forme originelle maintenant...

Elle ouvrit la bouche et au même moment, la druidesse bondit sur elle, se transformant en un félin puissant. Mirlina fut aplatie contre le sol, les pattes avants de la panthère appuyées sur ses bras entravant ses mouvements. Elle essaya de se débattre puis foudroya l'animal du regard.

- Je te conseille de me lâcher avant que je ne m'énerve. (Déclara-t-elle d'un ton calme mais d'où perçait une colère sous-jacente.)

La panthère feula en réponse, ses crocs entrouverts juste au dessus de son visage. L'assassin imaginait très bien cette gueule se refermer sur elle et lui arracher une bonne partie de la tête. Mais elle savait également que cela n'arriverait pas. Et ce pour une bonne raison. Elle ne se laisserait pas faire. Lentement, elle avait replié ses jambes pour passer sous les pattes arrières de la druidesse. Puis, d'un mouvement sec, elle les leva pour les refermer autour de son corps avec force. L'animal poussa un grognement surpris et sa prise se relâcha légèrement. Mirlina en profita pour dégager son bras et le pointa sur la tête du félin, la pointe du carreau droit sur son oeil.

- Fini de jouer. (Lâcha-t-elle.)

La panthère retroussa ses babines, laissant échapper un grondement bas mais l'assassin ne se laissa pas intimider et resserra un peu plus ses jambes. La douleur déforma le visage de l'animal. Il y eut un instant de flottement. Puis la panthère laissa place à la Kal'dorei, dont les yeux se révulsèrent. Elle s'écroula sur Mirlina de tout son poids, la plaquant au sol. L'assassin constata que la druidesse était quasiment nue.

- ça pourrait être génial, si ça n'était pas aussi gênant... (Soupira-t-elle d'une voix en partie étouffée.)

L'assassin s'accorda quelques secondes pour reprendre son souffle, puis dégagea le corps au dessus d'elle avant de se pencher au dessus, dague en avant. Elle pourrait lui trancher la gorge, maintenant et éviter ainsi tout danger supplémentaire.

Je suis sûre que tu m'observais, hier soir.

Sa lame se posa sur la gorge de l'elfe, dont la respiration était difficile. La Kal'dorei était couverte de sueur et ses yeux semblaient s'agiter sous ses paupières. Mirlina retourna la druidesse sur le ventre pour examiner son dos. La coupure qu'elle arborait n'était vraiment pas belle. Un liquide en suintait et une couche de pus recouvrait certaines parties. Mirlina imaginait très bien les trolls imprégner leurs armes de poisons, mais il s'agissait manifestement d'autre chose. Fait sciemment ou non, elle n'aurait su le dire. Elle attrapa la druidesse par la nuque pour regarder son visage, fit la moue avant de laisser échapper un soupir.

Trop bon, trop con.

Elle secoua la tête, puis souleva la Kal'dorei pour la passer en travers de ses épaules et la ramener près du feu. Là, elle fouilla dans une trousse pour en sortir son aiguille à rattraper les accrocs. Elle prit un gobelet, le remplit d'eau qu'elle fit bouillir avant de plonger l'aiguille dedans. Pendant que la pointe chauffait, la jeune femme attrapa des cordes dont elle se servit pour attacher les pieds et les mains de la druidesse, juste au cas où. Elle prit ensuite un chiffon qu'elle mouilla et s'en servit pour lui humidifier le visage.

Elle n'est pas désagréable à regarder...

Elle ne put s'empêcher de détailler le corps de sa prisonnière. Celle-ci était svelte et possédait une poitrine ferme que Mirlina lorgna un long moment. Ses mains glissèrent sur la peau moite de l'elfe, dessinant les contours des quelques cicatrices qui parsemaient son corps.

- Tu vas en avoir une de plus, je le crains.

Elle nettoya la coupure avec attention, retirant le pus et les saletés qui s'y étaient logées. L'elfe bougea dans son sommeil, laissant échapper de vagues gémissements. Elle suait à grosses gouttes. Mirlina se saisit d'une petite bouteille de vinaigre qu'elle dilua dans de l'eau avant de l'appliquer sur la plaie. Les cris de la druidesse ponctuèrent ses efforts pour désinfecter la blessure. Celle-ci se débattait mais Mirlina n'arrêta pas avant d'en avoir terminé. Puis, elle prit un gant, attrapa l'aiguille et du fil avant de recoudre la plaie. La Kal'dorei continua de se débattre pendant toute l'opération, et Mirlina manqua lui brûler des zones saines deux ou trois fois. Elle installa ensuite sa patiente pour qu'elle puisse dormir en étant à l'aise, déposa sa cape sur son corps. Elle aurait dû dormir elle aussi. Mais la fatigue l'avait désertée. Elle veilla alors sur l'état de la Kal'dorei, consciente que le danger n'était pas écarté. La druidesse bougeait, gémissait, et était brûlante. Mirlina allait devoir lui apporter des soins toute la nuit pour qu'elle ait une chance de s'en sortir. Sa fièvre ne baissa pas avant le matin.

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